jeudi 7 novembre 2013

Aujourd'hui, les événements se précipitent... (184)


  Aujourd’hui, les événements se précipitent. A onze heures, je passe en jugement. Mais d’abord, j’ai droit à une douche. J’ai récupéré vêtements et effets personnels. Enfin quitter ce froc et chemise portés depuis deux ou trois semaines. A vrai dire, je ne sais plus ce que signifie jour ou semaine. Au début, le temps stagne, il semble immobile, écrasé par la monotonie, puis on y prête moins attention tout en espérant chaque jour que ce sera le dernier. Aujourd’hui, je sais que mon calvaire prend fin. Bien que je commençais à trouver mes repères dans le confinement, la privation de liberté est ce que j’ai vécu de plus dur dans ma courte existence. Je suis fin prête, m’inspecte une dernière fois dans le miroir embué, j’ai des poches sous les yeux, les cheveux ternes, la taille épaissie, je suis pitoyable. Une matone me dirige vers la salle d’audience. Norton est là, assis en retrait, accompagné de l’avocate, il me fait un petit signe de la main. On m’installe face à un grand bureau, quelques autres personnes sont présentes. A l’annonce de l’arrivée imminente du juge, une femme nous ordonne de nous lever. L’homme qui arrive a une bonne tête. Grand, altier, cheveux grisonnants. Il nous dit de nous asseoir et me lance un coup d’oeil rapide tout en ouvrant mon dossier et lit à voix haute le compte rendu de mes péripéties. Il relève la tête et s’adresse d’abord à moi, me demandant si je reconnais les faits. J'acquiesce, puis, me questionne sur des sujets plus personnels auxquels je m’efforce de répondre avec ma franchise habituelle. Il se tourne alors vers celui qui est je suppose le district attorney et lui pose aussi sec la question suivante:         
  -Trouvez-vous normal qu’une jeune femme comme elle se retrouve en prison avec de criminelles?
   L’autre, bredouille quelques mots aussitôt interrompus par le juge qui poursuit:
    -C’est une honte! pour moi cette affaire est claire, cette personne a été incarcérée à tort! 
  Puis, s’adressant à moi:
     -Je vous donne un mois pour quitter le territoire, vous êtes libre!
     Le juge vient vers moi, me serre la main et s’en va.
   D’autres personnes ont déjà pris place dans la salle, ici on ne lésine pas avec le temps!
     Tout s’est passé si vite, je ne réalise pas encore que je peux bouger sans en avoir reçu l’ordre! Norton s’approche de moi et dit avec un grand sourire:
      -Viens, c’est fini, c’est terminé, tu entends?
    Nous nous embrassons enfin. Je remercie l’avocate qui me dit qu’il n’y a pas de quoi, qu’elle n’a rien pu faire si ce n’est d’avoir été présente aujourd’hui.