samedi 24 septembre 2011

Je me rends.. (133)

   Je me rends à Beverly Hills, là où aura lieu la séance de photos. C’est une villa entourée de verdure, luxe kitsch, beaucoup de marbre et de dorure. Je suis reçue par le photographe, la cinquantaine, les cheveux longs grisonnants attachés dans la nuque, il est entouré d’une petite équipe, trois hommes en tout, dont le maquilleur accessoiriste et l’éclairagiste. Les présentations faites, John m’explique ce qu’il attend de moi:
   -D’abord, nous allons te maquiller un peu, on débutera à la piscine, après nous irons à l’intérieur et si il nous reste du temps, on pourra encore faire quelques photos dans la salle de bain. Déshabille-toi vite pour ne pas avoir de marques sur la peau!  
   Je reviens à poil, ils me regardent sans l’ombre d’une émotion. Je ne ressens aucune gêne. Nous commençons par des attitudes langoureuses sur une chaise longue au bord de la piscine turquoise. Le plus dur c’est de devoir sourire, j’ai horreur de sourire sur une photo, mais John insiste, il dit que c’est essentiel, je n’ai qu’à penser à quelque de chose drôle! Je souris en imaginant le résultat de toute cette mise en scène à vrai dire totalement cucul! Nous passons à la chambre à coucher, là il faut que je m’assoie sur le lit. L'accessoiriste me donne un carré de soie avec lequel je dois jouer, le laisser glisser le long de mon corps, le faire passer entre les jambes, en caresser le bout de mes seins. John mitraille à mort, à chaque prise il dit: 
   -Great darling, don’t forget to smile, great!  
   John regarde sa montre, tout est chronométré. On a encore une demi-heure, on passe au pas de course à la salle de bain en marbre blanc, et robinetterie dorée... Là, même topo avec un drap de bain rose; moi qui imaginais déjà une scène hot sous la douche ou dans la baignoire, mais pas question d’improviser, eux savent ce qui plaît, ce qui est vendeur. Je ne sais pas à quel magazine ces clichés sont destinés, de toute façon, je n’en verrai probablement jamais aucun, d’ailleurs peu m’importe, du moment que je touche les biftons, c’est tout ce qui compte. Je suis soulagée quand enfin John annonce que c’est terminé, que je peux aller me rhabiller. Il me demande si je serais d’accord de faire des photos avec un partenaire, je lui réponds que je lui ferai signe, que je n’en sais rien, il ajoute que c’est payé, le double, voir le triple. Il n’insiste pas mais me dit qu’il est très satisfait du travail et qu’il espère vraiment me revoir pour d’autres séances. Je lui dis que j’y penserai, mais au fond de moi je sais déjà que je ne le ferai pas, c’est tout simplement pas mon truc, j’imagine l’engrenage, c’est sans doute ainsi que l’on finit par faire des films pornos, ça ne me dit rien, non pas que je sois bégueule, mais ensuite qu’adviendrait-il des fantasmes, de l’envie de baiser. Et puis, je n’aime pas l’esprit, l’ambiance de ce milieu, à juger les instants que je viens de vivre, ce n’est pas pour moi. Je rentre dare-dare, passe par un take away chinois et achète de quoi faire un bon gueuleton avec Michaël.

vendredi 16 septembre 2011

Cela fait une dizaine de jours.. (132)

   Cela fait une dizaine de jours que je suis installée chez Michaël. J’ai une petite chambre avec vue sur le parking. En attendant de trouver un nouveau boulot, je prépare à manger pour moi, Michaël, et les amis de passage. Il y a un va-et-vient continuel, Michaël connaît pas mal de monde. Jusqu’à peu, il était instituteur, il a pris une année sabbatique et ne fout pas grand chose à part son footing matinal sur la plage et fumer des joints à longueur de journée en regardant des matchs de base-ball à la télé avec des copains. J’ai une paix royale, Michaël n'exige rien, il n’a même pas essayé de me toucher, je me demande pourquoi il m’héberge. L’autre jour, j’étais à poil sur mon pieu, il est entré sans frapper, il est devenu tout rouge et s’est fâché en me reprochant de laisser ma porte ouverte, je lui ai rétorqué que je ne supportais pas de m’enfermer à clef! Il est parfois très nerveux, je l’ai déjà entendu crier et jurer comme un charretier, en général il semble plutôt doux et posé. Il faut absolument que je trouve des tunes, j’en ai parlé à Michaël qui m’a conseillé de faire une série de photos de moi, nue, et de les envoyer à Playboy magazine! Il est cinglé je n’ai rien d’une playmate, je n’ai pas les jambes assez longues et ne connais aucun photographe, je trouve son idée saugrenue, mais il persiste et dit qu’il faut essayer, on ne sait jamais. Soudain, je me souviens qu’il y a un photographe qui vient parfois chez Dan au resto, je l’ai servi souvent, un type sympa. Il a un studio un peu plus loin dans une rue donnant sur le front walk. Je décide de passer chez lui dans l’après-midi. J’ai du bol, il est là, je le préviens que je ne pourrai pas le payer, mais il s’en fout, et veut bien faire quelques photos à l’instant car il part en reportage à Hawaii dans trois jours. Aussitôt, nous nous attaquons à la tâche. Il dit que je prends bien la pose, que l’on pourrait penser que j’ai fait sa toute ma vie! A peine une heure plus tard, nous avons terminé. Il développera les clichés et fera quelques tirages d’ici demain, je pourrai venir les chercher en fin de journée. Au moment de partir, Rob me dit:
   -Si tu veux te faire un peu de fric, voici l’adresse d’un free-lance qui fait des photos de charme, je le connais, c’est un mec réglo, tu dis que tu viens de ma part, il est toujours à la recherche de modèles, je suis certain qu’il te prendra et c’est très bien payé!
   -Génial, merci! Je te payerai dès que j’aurais gagné des sous!
  -Oublie! C’est ma façon de te remercier, tu as toujours été ma serveuse préférée! A demain!
   J’annonce la bonne nouvelle à Michaël. Je téléphone de chez lui au photographe pour prendre rendez-vous, une femme me répond que les inscriptions se font sur Sunset boulevard, et me donne le numéro du building. Inquiète, je questionne Michaël:
   -Elle dit que c’est au 8332, c’est loin?
   -T’en fais pas je te conduirai, ça doit se trouver au centre, à West Hollywood. 
  Je raccroche, fixant Michaël droit dans les yeux, je lui demande:
   -Pourquoi tu es si gentil avec moi, pourquoi tu fais tout ça?
   -Parce que je t’aime bien, c’est tout, dit-il en fuyant mon regard.
  Je retourne dans ma chambre et m’enferme à clef. J’ai du mal à comprendre qu’un homme soit si attentionné sans contrepartie. Je me dis qu’il est peut-être amoureux, mais pourquoi n’est-il pas plus franc dans ce cas, il suffit qu’il me le dise, et puis, non, je n’ai pas envie de ça, de lui, je ne suis pas amoureuse, c’est toujours pareil, ce n’est jamais réciproque, enfin si, parfois, mais là, non. J’essaye de comprendre ce qui me gêne chez lui, pourtant ce type n’est ni moche, ni con, un peu grassouillet mais pas vraiment déplaisant avec sa tête d’ado juste sorti de l’enfance. Il y a un côté lymphatique chez lui, je crois que c’est ça, j’ai mis le doigt dessus, il faut dire que Zer était tout le contraire, tiens, je n’avais plus pensé à lui depuis longtemps, complètement oublié, comme si c’était dans une autre vie, d’ailleurs, comment en serait-il autrement. Tout me revient en vrac, où est Gilberte, où est passé ce temps auquel je repense déjà avec nostalgie, à ces années pourtant pas si heureuses mais qui avec le recul me semblent magnifiques, plus belles qu’elles ne l’étaient! Tout à coup, je me sens terriblement seule.

mercredi 14 septembre 2011

Leslie retourne à.. (131)

   Leslie retourne à New-York dans quelques heures. Il est resté plus de temps que prévu, il faut qu’il parte. Ces quelques jours ensemble ont passé si vite. Leslie me promet de revenir très bientôt, on s’écrira, on gardera le contact. Avant de le conduire à l’aéroport, il prend quelques photos de moi sur la plage, puis on s’attarde encore un peu sur Ocean Front walk. Je dépose Leslie au terminal, et repars aussitôt. Le vague à l’âme, je m’en retourne vers Venice et mon avenir incertain. Il faut que je me remette à l’ouvrage, j’ai tout dépensé, je n’ai plus un rond. J’ai laissé tomber le travail de modèle chez Jerry qui devenait vraiment trop pénible, et à l’académie, je ne me suis fait remballer pour absence. Je passe chez Dan, voir si il a besoin de moi. Il vient d’engager une nouvelle, il me fera signe en cas de pépin. En sortant du resto, je croise Michaël, le type qui vient prendre ses petits déj chaque matin, il s’approche et dit:
   -Salut, comment vas-tu, cela fait un bail? Tu ne travailles plus ici?
  -Plus vraiment, je fais des remplacements de temps à autre, à propos, toi qui habites le coin, tu ne connaîtrais pas un studio à louer? 
   Je le vois hésiter un instant, puis, timidement dit:
  -Tu peux venir chez moi, j’ai une chambre inoccupée, si cela peut te dépanner, tu es la bienvenue!
   Je n’en crois pas mes oreilles, la Providence est encore au rendez-vous! Je n’hésite pas et lui réponds que si ça va pour lui, je m’amène demain, n’ayant pas grand chose à déménager. Michaël semble ravi, et me propose de venir m’aider dans la matinée pour transporter mes affaires. Son appartement est situé dans une ruelle parallèle à Ozone street, à côté du parking lot où je gare ma Chevi, à une centaine de mètres de ma piaule. Je le remercie, on se fait la bise. Je rentre aussitôt pour empaqueter mon barda, ce qui ne me laisse pas le temps d’avoir le mouron! Je trie et jette le plus possible pour ne pas m’encombrer de choses inutiles. Je téléphone de la cabine en bas de la rue à mon proprio pour lui dire que je me taille. Il passera demain matin à la première heure pour reprendre les clefs et vérifier si je n’ai pas fait trop de dégâts. Vers une heure du mat je m’endors d’un sommeil profond après avoir tout rangé et nettoyé pendant toute la soirée.

lundi 12 septembre 2011

Dès le retour de... (130)

    Dès le retour de Leslie, nous partons, cette fois avec ma vieille caisse aux environs de Topanga Canyon; la route serpente dans une végétation drue, on dirait un paysage méditerranéen, les mêmes essences, les mêmes effluves dans la chaleur encore douce. Après un tournant en épingle à cheveux, on découvre une maison et des panneaux invitant à venir admirer de l’artisanat. J’arrête la voiture sur le parking. Nous entrons dans le petit magasin. Une femme est assise dans l’arrière boutique, elle nous souhaite la bienvenue de loin. Je trifouille parmi les vêtements, écharpes, et sacs suspendus à une tringle; du fait main dans un style qui se veut hippie, des fleurs partout, des couleurs criardes. L’ambiance m’est familière, je n’arrive pas à savoir à quoi cela tient jusqu’au moment ou la femme surgit et commence à me parler avec un accent que je reconnais tout de suite. Je lui dis les quelques mots d’arabe que je connais, elle sursaute de joie. Nous évoquons évidemment Jérusalem dont elle est originaire, intarissable elle me raconte sa vie dans un flot arabo-anglais, elle est tellement heureuse qu’elle m’offre un foulard en souvenir de notre rencontre. Pendant ce temps, Leslie patiente, il est à l’écoute de tout ce que l’on se dit. Après une bonne heure passée dans la boutique, nous retournons à la voiture. Leslie est bouche-bée devant cet événement mineur, je lui dis que cela n’a rien d’extraordinaire, qu’il a dû connaître ce genre d'effervescence en Inde, je trouve son étonnement excessif! Mais il répète:
   -Ta façon d’être avec les gens me bluffe, j’ai remarqué ça dès l’instant où je t’ai vue au travail, il se passe quelque chose dont tu ne dois pas avoir conscience. 
   Nous nous attardons encore un peu sur les petites routes. Mais il faut rentrer à temps, le carrosse nous attend! Pour l’occasion j’enfile ma seule tenue neuve, un ensemble chemise et pantalon en coton noir, coupé près du corps. Leslie me trouve un petit air terroriste chic! Je passe chez Dan prendre les clefs et nous voilà sur la route en limousine. C’est la première fois que je conduis une aussi grande voiture, elle ne roule pas, elle vogue, on n’entend que son ronronnement puissant et stylé. Arrivés devant le restaurant, les choses se déroulent comme prévu, un homme en uniforme ouvre ma portière et m’aide à sortir, je le remercie et lui remets les clefs. Je n’ai pas l’habitude de ce genre de cérémonial, je suis mal à l'aise. Nous entrons dans le riad par de hautes portes en bois sculpté, ensuite dans une cour intérieure avec fontaine et bassin entouré d’une profusion de palmiers, plantes et fleurs multicolores. Nous sommes accueillis par une jeune femme en djellaba richement ornée, elle nous mène dans une des nombreuses salles entourant la cour. Leslie a réservé une table basse entourée de coussins dans lesquels je me laisse glisser avec un vif plaisir. La jeune femme nous verse de l’eau de rose sur les mains au-dessus d’un grand bol en cuivre tout en nous expliquant les menus; nous optons pour la traditionnelle Bastilla au pigeon avec salades diverses, sans oublier le vin. Tout est enchantement, les fragrances de jasmin mélangées au cumin, clou de girofle et autres épices m’étourdissent. Le vaste espace est divisé en alcôves faites de paravents façon moucharabieh qui donne l’illusion d’être seul. Nous nous laissons aller à de folles étreintes entre chaque bouchée. La soirée sybaritique prend malheureusement fin, il est grand temps de partir, minuit va bientôt sonner!

dimanche 11 septembre 2011

Je rejoins l'homme.. (129)

   Je rejoins l’homme, à la terrasse. Il s’appelle Leslie, il est New-Yorkais et vient de débarquer à L.A. après un long séjour en Inde. J’ai toujours cru que Leslie était un nom de fille, mais lui c’est un mâle, sans conteste. Nous discutons avec animation d’un tas de choses tout en vidant un litron de rouge. Dan ferme la boutique. Je propose de continuer la discussion et d’aller fumer un pétard chez moi. Nous parlons encore, il est très bavard, d’après lui c’est mon herbe qui rend logorrhéique. On finit par se toucher, d’abord avec un rien de timidité, puis très vite mus par un désir fulgurant. N’ayant plus rien avalé depuis le matin, mon estomac crie famine. Je me souviens des deux belles mangues achetées la veille et propose de les manger. La première mangue est ferme et succulente, la deuxième est trop mûre, plus difficile à découper, m’emparant d’une moitié sans le noyau, j’enduis du pulpe juteux le corps de Leslie que je m'applique de lécher avec soin, ce qui tout en le laissant perplexe l’excite beaucoup. Nous nous endormons au bout de la nuit, soudés par tous les nectars. 
  Un peu avant midi, on se réveille enlacés, souriant aux souvenirs de nos voluptueuses joutes nocturnes. Leslie décide de prolonger son séjour, dans l’après-midi on ira faire une balade dans les collines et ce soir il m’invite dans un très beau restaurant marocain du côté de Hollywood. Pendant qu’il déjeune avec un ami, je vais chez Dan pour lui emprunter sa Cadillac, je ne peux pas aller dans un endroit huppé et laisser les clefs d’une bagnole pourrie au chasseur! Dan est d’accord, mais à la condition de venir la prendre juste avant d’aller au restaurant et de la ramener à minuit pile. Je lui dis de ne pas s’en faire, que je serai ponctuelle en espérant ne pas perdre ma babouche en chemin!

jeudi 8 septembre 2011

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire d'Alex.. (128)

   Aujourd’hui, c’est l’anniversaire d’Alex. J’ai encore du temps devant moi, je vais à la plage faire quelques brasses parmi les pélicans. Comme presque tous les jours, ils sont là à se laisser balancer par les flots, immergeant leur bec de temps en temps. J’ai dû être pélican dans une autre vie, je fais comme eux, j’aime me laisser dériver en regardant la ville auréolée de son épais nuage brunâtre, décor fascinant d’une autre dérive...
   L’anniversaire fut une réussite, le cadeau, vite déballé, consommé avec délicatesse tout au long de la soirée entrecoupée de petites pauses pour sniffer une ligne et fumer quelques joints sans oublier le champagne, enfin pas du vrai, une espèce de crémant local. Je me doutais bien que Cathy serait de la partie, c’est elle qui entama la cérémonie en m’embrassant et défaisant mes cheveux que j’avais relevés en chignon, m’aida à enlever ma robe, pendant ce temps Alex nous regardait, n’y tenant plus, il s’approcha et commença à me caresser. Nous étions complètement désinhibés, l'exaltation nous faisait passer de l’un à l’autre, se séparant, puis, à nouveau réunis dans une parfaite harmonie. Ce n’était pas ma première expérience à trois, j’avais eu une brève liaison avec un couple d’anglais au début de mon séjour en Israël. La femme n’était pas vraiment dans le coup, disons qu’elle m’avait acceptée plus par intérêt que par goût. Par contre avec Cathy et Alex, tout était clair dès le départ, j’étais juste un petit cadeau sans suite! Cathy savait ne courir aucun risque, je lui avais fait assez de confidences sur mes aventures. Au petit matin, je suis partie d’un pas léger dans la douceur de l’aube californienne. 
   La veille, j’avais promis de donner un coup de main à Dan, une des serveuse étant malade. Ce soir, je me sens des ailes, je vole de table en table, avec un grand sourire. Même Dan s’étonne et me demande à quoi je carbure! Il dit ne jamais m’avoir vue ainsi. Il se fait tard, quelques clients sont encore à la terrasse. Il faut que je leur annonce que la cuisine va fermer, que l’on ne sert plus que des plats froids. Un homme m’appelle et dit:
   -J’aimerais avoir une salade mélangée et comme dessert, toi!
   Je lui souris et réponds:
  -J’ai dit que l’on ne servait plus de plats chauds! J’apporte la salade dans quelques minutes.
  Je l’observe du coin de l’oeil, il n’est pas mal, il ressemble à un moine tibétain, ll a la boule à zéro bronzée par le soleil, il porte une longue chemise indienne et une sacoche en bandoulière remplie de bouquins. Je reviens, dépose la salade et lui souhaite bon appétit. Au moment de tourner les talons, l’homme me retient et demande à quelle heure je termine le boulot, je lui réponds:
   -Dans un quart d’heure.
   -Je t’attendrai, nous boirons un verre ensemble, tu veux bien?
   -D’accord!
  J’ai répondu sans hésitation. Il faut que je me ressaisisse, je suis en train de perdre les pédales, mais une petite voix intérieure me susurre de foncer, de ne surtout pas me poser de questions.

dimanche 4 septembre 2011

Maintenant que je suis.. (127)

   Maintenant que je suis modèle pour peintres du dimanche, je partage mon temps entre la petite académie qui se trouve deux rues plus loin, et l’atelier de Jerry située à l’autre bout de Venice. Les élèves sont en majorité des hommes; lors des séances de pose, Jerry ne peut cacher son attirance, non pas qu’il m’ait fait des avances, mais il ne peut contrôler ses érections pendant qu’il me dessine, les autres font semblant de ne pas remarquer les boursouflures au niveau de sa braguette, moi, ça m’ennuie, mais je dois tenir encore un bout de temps, il faut bien que je mange. Il m’arrive aussi de faire des remplacements au resto, pour dépanner Dan, c’est l’occasion de revoir des têtes familières. L’autre jour, le type avec la grande moustache est revenu. Il tenait à me raccompagner après le boulot, arguant l’insécurité des rues le soir. J’ai craqué, nous avons passé une nuit de baise mémorable. Moi qui avais décidé d’être sage, c’est raté, il m’a mis le feu au cul. Cathy, la finaude m’a interpellée avant-hier pendant que je buvais un café à la terrasse, me proposant la chose suivante:
  -J’ai un truc à te demander, je cherche un cadeau d’anniversaire pour Alex, mon boyfriend, j’ai pensé à toi!
   -Et en quoi cela me concerne-t-il?
  -Eh bien, Alex te trouve à son goût, j’aimerais que tu sois son cadeau, évidemment si tu es d’accord, cela va sans dire!
  -Je dois avouer que c’est la première fois que l’on me demande une telle chose, je suis un peu interloquée, mais l’idée m’amuse assez je dois dire!
  -Si tu ne veux pas te décider maintenant, tu as jusqu’à demain soir pour y réfléchir, son anniversaire c’est samedi, sinon, il faut que je trouve autre chose!
  -Attend, ce ne sont pas les filles disponibles qui manquent, tu en trouveras plus qu’Alex ne pourrait jamais en désirer!
   -Ah, non, c’est toi que je veux, pas une autre!
   -Bon, dans ce cas j’accepte, après tout, je vous aime bien tous les deux! Et puis, cela m'ôterait peut-être l’envie si je réfléchis trop!
  -Waouh! Super, c’est vraiment génial! Bon, alors comme on a dit, tu viens vers neuf heures samedi soir, et si tu rencontres Alex entre temps, tu fais semblant de rien, il faut que cela reste une surprise!
   -Tu peux y compter! Allez, maintenant je dois filer au boulot. 

vendredi 2 septembre 2011

Les jours qui suivent.. (126)

    Les jours qui suivent, je rentre fatiguée, me couche de bonne heure sans pour autant trouver le sommeil. Ce soir, je me sens perdue, je m’allonge sur mon pieu en fumant un joint, me vient alors une idée. Freinée toutes ces années par un blocage dont je n’ai jamais su la cause, je ne m’étais jamais donné la peine d’apprendre à lire ni à écrire l’hébreu de façon approfondie, je décide d'enregistrer une cassette pour Zer. J’y passe des heures en recommençant mille fois, cherchant les mots justes pour lui dire que notre histoire est terminée. Après ma nuit blanche, je suis déboussolée, consciente qu’une page importante de ma vie vient de se tourner, mais aussi bouleversée d’avoir remué tous ces sentiments gardés en moi depuis trop longtemps. Je ne suis pas vraiment triste, il faut juste que je me réhabitue à être seule. Depuis quelques jours, je me suis remise à faire des petits crobards pour occuper mes nuits sans sommeil, je n’ai pas perdu la main, c’est l’inspiration qui manque. Le boulot me vide l’esprit, j’en ai marre de courir toute la journée pour un salaire de misère quoique les pourboires soient souvent généreux. De toute façon, n’ayant qu’un visa de touriste qui expire bientôt, je risque à tout moment l’expulsion en tant que travailleuse clandestine. Depuis un certain temps, un homme vient prendre son petit dèj à la première heure, j’ai pris l’habitude de le servir, il a un beau sourire, à peine la trentaine, grand, un peu grassouillet, de long cheveux bouclés qu’il écarte d’un geste un peu féminin. Il parle peu, mais il m’a dit s'appeler Michael. Il y a quelques jours, j’ai provoqué un petit scandale à la terrasse. Michael était là, il observait la scène de loin. Un client fort désagréable m’avait parlé sur un ton qui ne m’avait pas plu, je me suis vengée en renversant du café sur son pantalon blanc, le type s’est fâché et m’a dit que j’étais une empotée. Michael avait l’air d’apprécier et souriait dans son coin. Dan appréciait moins, et a aussitôt proposé au client le remboursement du nettoyage à sec qu’il retiendrait sur ma paie et m’avertit que je devais être plus discrète, sinon il serait dans l’obligation de me virer. Il va falloir que j’envisage sérieusement de trouver un nouveau job et surtout un logement moins cher. Quelqu’un m’a parlé d’une académie qui cherche un modèle pour les cours du soir de dessin. Arrivée au resto, je retombe par hasard sur la personne qui m’avait parlé de ce travail. Jerry est peintre, il donne des cours particuliers à de petits groupes dans son atelier, et aurait lui aussi besoin de mes services en tant que modèle. Sans être certaine de rien, je parle à Dan et lui dis avoir trouvé un nouveau job, il semble soulagé et me souhaite bonne chance. Je le remercie pour tout ce qu’il a fait pour moi, nous nous quittons en bon terme. Je suis à nouveau libre comme l’air...