mardi 27 mars 2012

Yaël est surprenante.. (150)

   Yaël est surprenante. Elle fait exactement ce que bon lui semble avec une spontanéité désarmante. Au début, je pensais qu’elle se donnait un genre, puis, je me suis rendue compte qu’il n’en était rien, elle est réellement comme ça. Il n’y a aucune provocation quand elle s’arrête soudain pour un besoin pressant, elle soulève sa jupe avec grâce, et s’accroupit entre les fleurs d’un jardin. Légers comme du papier de soie, les mots sortent de sa belle bouche esquissant toujours un petit sourire. Même contrariée, elle semble heureuse. Quand quelqu’un lui plaît, elle va vers lui, le regarde droit dans les yeux et selon les circonstances l’embrasse ou lui dit qu’elle l’aime. Bien-sûr cela en étonne plus d’un. Alors la personne se laisse entraîner par cette femme-enfant à qui peu résiste. 
  En revenant de notre brunch prolongé, nous rencontrons Don qui nous propose d’aller ce soir faire du cruising dans les collines avec sa vieille Lincoln dont il vient à l’instant de terminer la remise à neuf. On accepte avec joie, et se donne rendez-vous dans une heure.
   Yaël s’allonge sur mon lit, une douce lumière de fin d’après-midi caresse son visage; je m’installe à la table, prépare quelques joints pour tout à l’heure, puis me prend l’envie de dessiner, et fais quelques croquis de Yaël qui prend des poses de chatte. On en oublie l’heure quand soudain on entend Don qui tambourine sur la porte et nous appelle:
   -Alors les filles, c’est pour aujourd’hui ou pour demain!

lundi 12 mars 2012

Le réveil est pénible.. (149)

   Le réveil est pénible. Dans un flash tout me revient, comment je suis partie dans la nuit,  à la faveur d’un moment de lucidité. J’ai la bouche pâteuse, me lève pour boire de l’eau, plein d’eau, plusieurs verres, une soif de gueule de bois; pourtant, il me semble ne pas avoir bu autant. C’est vrai que j’ai encore ingurgité un tas de choses, fumé encore plus qu’à l’ordinaire; il faut dire qu’à jeun, je ne serais probablement pas restée. Je regarde par la fenêtre, vois Yaël qui sort de sa bagnole qu’elle a garée à côté du vieux camion qui est toujours là. J’ai l’impression que quelqu’un y habite, je me demande qui ça peut être. J’ouvre la porte et retourne me coucher, je ne tiens pas sur mes quilles. Yaël entre et dit:
   -Quoi, tu es encore au lit? Tu as vu l’heure!
   -Oh, je t’en prie, ne parle pas trop fort! J’ai mal au crâne!
   -Ah, je vois, alors, ça s’est passé comment hier soir? 
   -Je pense qu’il vaut mieux que je ne te raconte pas, tu vas trouver cela abject!
  -Enfin, Eli, tu peux me dire tout, ce n’est pas moi qui vais m’offusquer d’une histoire de cul! Je crois que tu ne me connais pas encore!
   -Bon, si tu y tiens. Tu avais raison, j’aurais dû t’écouter, mais j’étais hypnotisée par ce cinglé, je ne comprends toujours pas ce qui m’est passé par la tête! En bref, il a invité quelques amis, question de pimenter la soirée. En fait, il a besoin de spectateurs pour baiser, enfin, ce n’est pas vraiment la baise qui l’intéresse. Ce qu’il aime, c’est taper, c’est ça qui l’excite. Au début, il y allait gentiment, mais au plus il était stoned, plus il frappait vraiment. C’est alors que les autres sont intervenus. Ils ont pris ma défense. Deux d’entre eux ont réussi à le neutraliser, puis quand il s’est calmé quelque peu, les gars lui ont expliqué qu’il allait trop loin, que ça ne les amusaient plus. Il ne voulait rien entendre, il répétait sans cesse -Vous êtes des cons, elles aiment ça, ces salopes! tout en me fixant de son regard diabolique. Pendant ce temps, moi je me suis mise à faire du café pour tout le monde, pétée à mort, je me laissais peloter par l’un et l’autre, je m’en foutais complètement. La situation était inversée, j’étais à l’aise parmi tous ces mecs qui n’arrêtaient pas de bander! A un moment donné, Ethan a disparu, je ne sais pas où il est passé. Finalement, je pense que c’était la seule façon de me guérir de cette attirance délétère. Dans le contexte du boulot, je ne pouvais soupçonner la veulerie qui se cachait derrière son faux air d’intello fringant. Enfin, voilà, tu vois ce n’est pas glorieux!  
   -C’est à peu près ce que j’ai entendu dire sur lui,  il a la réputation d’être sado, je pense que tu t’en es bien sortie, il paraît qu’il a cassé les côtes à une fille l’autre jour! Tu sais les rumeurs vont bon train dans le petit milieu, tu peux t’attendre à avoir des échos sur la soirée dans les jours qui viennent.
  -Je m’en fous, la seule chose qui m’embête, c’est de savoir que je vais le revoir pas plus tard que demain, du coup, je n’ai plus envie d’aller travailler, et de toute façon j’y vais à contrecoeur, ça commence à bien faire, ce boulot est malsain. Et toi, comment tu fais pour survivre Yaël?
  -Oh, c’est Zev qui paye à peu près tout, mes parents m'envoient du fric de temps en temps, je ne suis pas dépensière! Et puis, j’ai tendance à ne pas m’en faire, les événements prennent toujours des tournures auxquelles on ne s’attend pas. Dis, tu ne te lèverais pas? Allez viens, allons voir ce qui se passe dans le monde, tu ne vas pas rester toute seule à ressasser tout ça? Je commence à te connaître, tu n’es pas si détachée que tu voudrais bien le faire croire! Enfile quelque chose, je t’invite, on va se faire plaisir! Que dirais-tu de quelques bagles avec du saumon fumé et cream cheese?
   -D’accord, parce que c’est toi! Tu es vraiment gentille, tu vois, j’en ai la larme à l’oeil! 
 Yaël me prend dans ses bras, m’embrasse, sa peau est douce, elle sent bon. Je me ressaisis et dis:
   -Je prends une douche en vitesse, j’en ai pour deux minutes...