mercredi 30 mars 2011

En rentrant.. (84)

  En rentrant, je suis surprise par les sirènes, c’est la première fois depuis le début des affrontements; je ne sais que faire, je m’abrite dans l’espace étroit qui sépare la maison du flanc rocheux de la colline. Le bruit assourdissant d’avions de chasse, survolant le village à très basse altitude, me secoue de trouille. Je reste dans le confinement du boyau tant que ne retentît la fin de l’alerte. Pendant les deux ou trois secondes que dure le survol, je n’entends aucune explosion. Les sirènes résonnent à nouveau, c’est fini. Je sors de ma planque, je m’assois sur la terrasse; toute tremblante, j’ai du mal à allumer ma clope. Je constate qu’autour de moi rien a bougé, pourtant, quelques chose a changé, c’est mon regard qui n’est plus le même... 
  Ce matin en écoutant la radio, j’entends qu’un cessez le feu vient d’être demandé par les Nations Unies en accord avec les partis concernés.
  La prédiction de Gilberte s’avère exacte. Trois jours plus tard, Zer est de retour. Il a fort maigri, son visage est marqué par le manque de sommeil; il me raconte qu’il s’est porté volontaire pour le transport d’urgence de blessés vers les hôpitaux. Il me ramène quelques trophées de guerre, entre autres un Coran druze, et toute une panoplie de draps de bain provenant d’un hôtel de luxe! J’écoute le récit de ses aventures sans l'interrompre, je n’arrive pas à déceler le vrai du faux, après tout, qu’importe! C’est qu’il a un talent incontesté de conteur...
 Durant un peu plus de deux semaines, nous vivons une nouvelle lune de miel jusqu’à l’instant où je vois Shaï sur son cheval, il se dirige vers nous. Zer me demande si je connais l’individu, je lui réponds que oui. Zer détecte aussitôt mon trouble et m’ordonne d’aller dire à cet homme qu’il n’est pas le bienvenu dans sa maison, qu’il exige qu’il décampe sans perdre de temps...J’essaye de lui faire entendre raison, mais rien n’y fait. Une lueur étrange dans son regard me donne le frisson; je cours vers Shaï pour le prévenir, en deux mots je lui explique la situation, je lui fais part de ma confusion et lui conseille de rebrousser chemin, j’ajoute que c’est ce qu’il a de mieux à faire. En effet, Zer est dans une rage folle et me dit qu’il me pardonne pour cette fois, mais qu’il ne veut plus jamais revoir ce type dans les parages, il l’étriperait et moi avec. Sur ce, il se met au volant de la jeep et s’en va.
  

samedi 26 mars 2011

Le lendemain, je suis réveillée.. (83)

  Le lendemain, je suis réveillée par des coups frappés à la porte. J’ouvre. Devant moi, un soldat, il veut parler à Zer, je lui dis qu’il est absent et ne sais quand il reviendra; je demande ce qui l’amène, il ne répond pas tout de suite, et finit par me dire que Yoram, un copain de Zer a été tué hier près de El Arish. N’ayant ni le courage, ni le temps d’annoncer la mauvaise nouvelle à la famille du mort, il a pensé que Zer pourrait s’en charger. Je lui dis que de toute façon ils seront informés par voie officielle, mais je lui propose d’y aller, sachant où ils habitent. Soulagé, le soldat me remercie et s’en va. Je ne sais pas ce qui m’a pris, c’est absurde, je connais à peine le défunt, je ne l’ai rencontré qu’une seule fois et ses parents, je ne les connais que de vue. 
  Ma première confrontation avec la mort fut le décès de ma grand-mère maternelle, je n’étais encore qu’une enfant; je me souviens: cela se passe à Amsterdam, dans un local attenant à la grande synagogue, la dépouille trône au milieu de la grande pièce vide; la lumière hivernale, venant des hautes fenêtres, éclaire le corps recouvert d’un drap blanc, déposé à même une planche soutenue par des tréteaux. Au niveau de mon regard, se profile la tête de mon aïeule comme sculptée dans le tissu. Impressionnée par cette vision, fascinée par le décorum, je me mets à pleurer, à hurler. Quelqu’un m’entraîne dehors et me fait boire de l’eau, je ne me souviens plus de la suite. C’est ma première image de la mort; depuis je scrute la camarde sous toutes ses formes.
  Mon attirance du morbide m’impulse ce geste gratuit: aller vers ces gens pour leur annoncer la mort de leur fils. J’accomplis ma mission avec un grand calme, tout se passe comme prévu... Après ça, je me sens légère, soulagée d’un poids qui ne m’était pas destiné; ma part infime dans cette guerre qui me concerne si peu.

vendredi 25 mars 2011

J'aperçois Gilberte.. (82)

   J’aperçois Gilberte qui arrive. Je vais enfin pouvoir terminer le déménagement et ôter l'échelle qui est dans le chemin.
  -Alors, comment vas-tu ce matin, tu as pu dormir un peu?, me demande-t-elle.
  -Oui, j’ai réussi à dormir quelques heures, je me sens d’attaque! Je te fais un café et après on s’y met, d’accord?
  -Ca me va! Et dis-moi, Zerah? Je suppose qu’il ne s’est pas pointé?
  -Non..
  -T’en fais pas, dès que les combats seront terminés, il reviendra!
  -Qu’est-ce qui te fait dire cela?
  -Il n’est pas réserviste, tu sais bien qu’ils n’ont pas voulu de lui, alors il se sent inutile et se cache quelque part pour se faire oublier...
  -Tu as probablement raison, je me demande ce qu’il peut bien faire!
  -Alors, là! Tu ne le sauras jamais, il t’inventera une de ses histoires à dormir debout! Allez, au boulot camarade! D’ici une heure tout sera à nouveau en place.
  Nous descendons les meubles en priant que cette foutue échelle ne nous lâche pas! On fait une pause, il ne reste plus grand-chose là-haut. Je regarde l’heure, en fait, deux heures que nous sommes occupées; on est fourbue, nos regards se croisent, on éclate de rire; nous nous faisons la même réflexion sur l’étrangeté de notre situation, on est là, en train de bouger des meubles pendant que des hommes se tirent dessus; pourtant, il y a longtemps que je ne me suis plus sentie aussi heureuse qu’en ce moment, j’aime être avec Gil, on se comprend à demi-mot, nos gestes s’accomplissent dans une totale harmonie. 
  Je réchauffe le potage auquel je n’ai pas encore touché. Gil mange avec grand appétit, elle ne cesse de répéter: «Que c’est bon, ah, que c’est bon!». Il me reste un fond de brandy que nous dégustons dehors. Je propose à Gil de passer la nuit ici, mais elle tient à rentrer avant le crépuscule, sa chienne Prégo étant malade, elle ne veut pas la laisser seule trop longtemps. Je la raccompagne jusqu’au bout du jardin, elle remonte les marches et se retourne de temps en temps pour me saluer de la main, elle disparaît à mi-chemin, happée par le tournant... 

mercredi 23 mars 2011

D'un pas rapide.. (81)

  D’un pas rapide, je vais par les ruelles désertes, arrivée sur la place du village, j’entends encore quelques prières en passant devant la petite synagogue; en descendant vers la maison, je croise un voisin qui a pour mission de prévenir les habitants d’obturer soigneusement toutes les fenêtres et de ne plus sortir de chez eux après le couvre-feu. Aussitôt rentrée, je me mets à la besogne. Assise dans le noir, je rumine, fume clope sur clope, je ne parviens  pas à bouger mon cul, j’attends que quelques chose se passe, il ne se passe rien. Le sommeil me gagne. Au réveil, pendant un instant je me dis qu’il fait encore noir, je me frotte les yeux et constate que de minces filets de clarté passent par les endroits mal obturés. J’ouvre grande la porte et me fais mon café que je prends sur la terrasse, je ne vois personne alentour à part mon voisin yéménite centenaire assis dans son jardin, il s’appelle Haïm! Il porte bien son nom. Souvent quand il m’aperçoit dans la montée, il ouvre son pagne en souriant, c’est encore un jeune homme; son fils aîné a quatre vingt ans et le benjamin en a cinq, il l’a eu avec sa dernière femme de cinquante ans sa cadette... Quelques uns de sa nombreuse progéniture habitent le village; Avram, l’aîné, est celui que je préfère, c’est un personnage hors du commun, les autres disent qu’il est simplet. Il habite une toute petite masure sur la place à deux pas de l’arrêt d’autobus, il ne possède rien à part son lit qui est constitué d’un amoncellement de matelas entre lesquels il range quelques objets et nourritures; été comme hiver, il porte sur lui tous ses vêtements, au moins cinq à six couches et quand on lui demande pourquoi il n’achète pas d’armoire, il répond qu’il n’en a pas besoin, qu’il est sa propre garde-robe! Son occupation préférée est de balayer la place du village. Le balai, il l’a fabriqué de ses mains avec quelques haillons ficelés autour d’un vieux manche. Personne ne lui demande de faire ce travail, il dit à qui veut bien l’entendre qu’il nettoie la nation... J’ai le privilège de le voir venir de temps à autre me rendre visite. Il me raconte alors tous les cancans qui circulent au village; on se marre bien!

mardi 22 mars 2011

C'est une belle journée.. (80)

  C’est une belle journée de Kippour, j’adore cette parenthèse silencieuse où tout est calme et serein, pas le moindre bruit de moteur, ni de radio, rien. J’aperçois quelques hommes qui montent au village, le châle de prière sous le bras. Soudain, au beau milieu du recueillement, les sirènes se mettent à hurler pendant un long moment, je ne comprends pas ce qui se passe. A peine quelques secondes plus tard, j’entends des voitures qui démarrent, des gens qui crient. J’allume la radio, une voix grave fait un appel à la mobilisation, Israël vient d’être attaquée... Je ne sais que faire, je suis très impressionnée par ce branle-bas et décide d’aller retrouver Gilberte. Au village, c’est la pagaille, les gens courent en tous sens, les hommes sortent des maisons, habillés pour le combat, font leurs adieux à la famille et sautent dans leur voiture en toute hâte. Arrivée au couvent, je trouve tout le monde réuni dans la salle à manger autour du poste.
   Gilberte vient vers moi, m’embrasse et me dit:
  -Ma pauvre petite, c’est la guerre! 
 -Oui, j’étais à la maison quand ces foutues sirènes ont commencé leur plainte infernale, j’en suis toute bouleversée.
  -T’en fais pas, je suis là. Mais où est Zerah?
  -Je n’en sais rien, il est parti hier matin pour terminer un chantier et ne l’ai plus revu!
  -Il réapparaîtra bien, tôt ou tard, tu le connais!
  -Oui, je suppose...
 -Pour l’instant, reste ici, on écoutera les nouvelles, peut-être que tout rentrera dans l’ordre d’ici un jour ou deux. 
  Je me mets à chialer pour des raisons confuses; le fait d’être abandonnée par Zer dans  un pareil moment; une atmosphère étrange où les autres prennent une importance toute nouvelle, et puis cette vague étrange qui envahit les êtres, mélange d’euphorie, de peur, et d’incertitude qui rompt le quotidien. J’explique à Gil que je me sens en dehors des événements, un peu comme un personnage en quête du rôle qui n’a jamais été écrit pour lui; Gilberte me répond que c’est naturel, qu’au fond si on gratte un peu, tout le monde éprouve des sentiments similaires. Nous discutons encore jusque tard dans l’après-midi; bientôt la nuit va tomber, il faut que je rentre. Gilberte me promet de passer demain pour m’aider à descendre les meubles.

Le lendemain (79)

   Le lendemain, Zer revient en chantonnant et fait comme si de rien n’était, je fais de même. Je commence par mettre un peu d’ordre, à effacer les traces du passage des deux greluches. Je demande l’aide de Zer pour descendre le matelas rangé à l’étage; contrarié, il s’exécute avec rage, il dit être pressé car il doit se rendre en ville pour terminer un petit chantier avant les fêtes; j’en profite pour me faire déposer au marché car demain soir commence Kippour. C’est la foule des grands jours à Mahané Yehouda. La foule se presse devant les échoppes comme si le jeûne devait durer indéfiniment...
  De retour à la maison, je continue rangement et nettoyage. Je travaille jusque tard dans la soirée. Il reste encore pas mal de choses à descendre et surtout quelques gros meubles, je me dis que cela pourra attendre demain. C’est la seconde soirée que je passe seule, Zer n’est toujours pas rentré, pourtant je lui avais dit que je préparerais quelques plats yéménites pour fêter nos retrouvailles, il m’avait promis d’être là pour déguster le potage avec du zhoug, halba et lahouh dont il raffole. Je l’attends toute la nuit...
  Au matin, pas de Zer à l’horizon. Je continue le transbahutage pendant une grande partie de la journée. Dans quelques heures il fera nuit, tout s’arrêtera, tout le monde mangera plus que d’habitude. Je n’ai pas d’appétit quand je suis seule. Je passe la soirée à lire distraitement, je relis dix fois la même phrase, mes pensées vagabondent à chaque mot, je m’acharne mais ne parviens pas à me concentrer. J’irais bien me promener, mais sans les chiens le coeur n’y est pas; Zer a donné les chiens ou plutôt il s’en est débarrassé,  quand il n’aime plus, il abandonne. Je me dis que bientôt ce sera mon tour, à moins que ce ne soit déjà le cas, pourtant, par moment j’ai le sentiment qu’il tient à moi, (ne parlons pas d’amour). Je ne sais pas ce que j’éprouve ni pourquoi je m’acharne à vouloir continuer cette étrange relation.

lundi 21 mars 2011

Je m'installe sur la terrasse.. (78)

  Je m’installe sur la terrasse et attends le retour imminent des deux filles. Bien entendu, je fulmine contre Zer et exige qu’il leur trouve un autre logement encore ce soir. Zer me dit qu’on peut aller dormir chez Shimon, mais je trouve que ce dernier a déjà été assez accueillant, qu’il ne faut pas abuser de sa gentillesse et que de toute façon je ne bougerai plus ici! Et c’est reparti, après des mois de séparations. Il suffit de quelques heures ensemble pour qu’une dispute houleuse éclate. Enfin les deux blondasses reviennent; je leur explique la situation, elles ne sont évidemment au courant de rien et ignorent jusqu’à mon existence! Je remarque l’embarras de Zer, je le soupçonne d’avoir une relation avec l’une d’elles. Le plus étrange c’est que je ne suis même pas jalouse, d’ailleurs, elles ne sont ni belles, ni moches, très ordinaires. Zer finit par comprendre qu’il doit agir et propose aux filles de déguerpir, il leur trouvera où se loger. Elles acceptent sans rechigner et remballent leurs affaires; Zer les embarquent dans sa jeep. Je me retrouve seule dans la maison vide, harassée de fatigue, je m’endors toute habillée sur un matelas dégueulasse qui traîne dans un coin du salon.

samedi 19 mars 2011

De retour chez mes parents..(77)

  De retour chez mes parents, je suis malheureuse à crever. La plupart du temps, je m’enferme dans ma chambre. Je me considère nullement responsable de ce qui m’arrive; mes parents sont évidemment de l’avis contraire. Ils m’accablent chaque jour un peu plus. Sans me consulter, ils choisissent un avocat qui d’après eux est l’homme de la situation. Leur choix s’avère être bon. En un temps record, Maître A. règle l’affaire en adressant une lettre ciblée, moyennant une somme rondelette; mes parents paient sans sourciller car pour eux être avocat de renom impose le respect et donne le droit d’arnaquer en toute légitimité...
  Mon départ est prévu pour début septembre, quelques jours avant Kippour...
  A ma descente d’avion, une jeep de l’armée déboule en trombe sur le tarmac. A son bord, Zer et son cousin Dov qui est lieutenant colonel. Dès mon arrivée, j’ai droit au grand jeu. Je suis accueillie en vip. Zer accourt et m’embrasse devant les passagers ébahis. Je suis mal à l’aise devant ses manières fanfaronnes. Le commun des mortels n’a pas droit d’accéder directement à l’avion, sauf autorisation exceptionnelle...
 je retrouve la maison sens dessus dessous, les meubles ont disparu. Pendant les semaines qui précédèrent son départ pour la Belgique, Zer a carrément construit un étage au-dessus de la partie neuve. Il compte y installer deux chambres à coucher et une salle de bain. Pour l’instant c’est un grand espace brut auquel on accède par une échelle branlante qui passe par un trou pratiqué dans le plafond de la cuisine. C’est là qu’avant de partir Zer a entreposé tous nos effets personnels et tous les meubles. Il a loué la maison pendant la durée de notre absence. J’essaye de savoir pourquoi il ne m’a rien dit de tout cela, mais une fois de plus, je reçois une réponse évasive. En fait, je me rends compte que la maison est toujours louée à deux jeunes femmes hollandaises! Zer n’a tout simplement pas trouvé opportun d’arrêter la location, ne sachant pas si je reviendrais! C’est en tout cas ce qu’il finit par m’avouer. Me voilà de retour après des mois de nomadisme, n’ayant pas d’endroit où dormir. 

Je passe mes journées.. (76)

  Je passe mes journées entre plage et cinéma. Je ne vois plus Lisa; elle prépare une thèse en sociologie. Une fois de plus, elle a trouvé une bonne poire pour se faire aider en la personne de son prof de fac de Bruxelles qui donne cours à Nice en ce moment.
  Je tombe par hasard sur Lisa en allant à la plage, elle me parle longuement de son travail qui se termine grâce à la sollicitude de Ray, son prof. D’ailleurs, elle m’invite à fêter cela ce soir, on ira rejoindre Ray à Pampelune, près de St Tropez où elle a rendez-vous dans un de ces restaurants à la mode. Nous arrivons avec une demi-heure de retard, l’endroit est très beau, une table nous est réservée au jardin, la nuit est douce et Ray avec ses petits yeux pétillants, charmeur et drôle à souhait, mais doté d’un physique un rien ingrat. Je comprends pourquoi cet homme d’une quarantaine d’années s’est dévoué à ce point pour Lisa. Ray dévoile de façon involontaire qu’il n’a pas simplement donné quelques conseils pour la thèse de Lisa, il a pratiquement fait le boulot à sa place! Je parle d’Israël avec Ray qui lui aussi a vécu un temps là-bas. Ces parents sont morts dans les camps; à la fin de la guerre, à la sortie de l’orphelinat, il est envoyé en Israël contre son gré. Cette soirée est pour moi sans doute, un des derniers moments de répit avant longtemps... Je retourne encore à Marseille, c’est toujours le même topo, il faut que je revienne dans quinze jours; rien ne bouge. Je téléphone à Zer, lui non plus ne parvient pas à débloquer la situation. Cela fait trois mois que je suis en exil forcé, j'en ai marre, malgré mes nombreux va-et-vient chez Anne qui est vraiment adorable avec moi. Comme je l’avais pressenti dès notre première rencontre, Anne est très malade et endure de terribles douleurs. Devenue accro à la morphine, elle dépérit lentement.
  Je me rends compte que je ne peux m’éterniser ici, je décide d’aller à Bruxelles.

jeudi 17 mars 2011

Après ce coup de fil.. (75)

  Après ce coup de fil, je me sens soulagée et envisage de retourner au consulat dans une semaine, avec un peu de chance, peut-être que... De toute façon, mieux vaut être à Cannes qu’à Bruxelles! Le soir, je retrouve Lisa qui me raconte qu’elle a couché avec Charles, qu’il est très chouette et généreux. Il lui a offert plein de fringues et que sais-je encore. Elle m’annonce également que nous sommes invitées chez lui, le week-end prochain, après le Festival.
  Sur La Croisette, l’effervescence bat son plein. L’autre jour, je me suis fait draguer par un réalisateur québécois. Le type me propose de venir à la première de son film, un truc chiant et prétentieux. Après quoi, il m’entraîne à son hôtel, où se tient un cocktail en son honneur; je le suis en toute innocence; en fin de soirée je suis complètement beurrée, le mec en profite pour me sauter, je me débats, lui flanques une baffe dont il se souviendra... Le lendemain, je rencontre une copine de Bruxelles qui me demande de l’accompagner voir le film d’un ami. En entrant dans le hall, je vois soudain le type de la veille. Je raconte à Lucrèce que ce mec là-bas, a essayé de me violer hier soir. Sans un mot, elle s’avance vers l’homme et lui dit très fort qu’il est le dernier des salopards, qu’il devrait avoir honte de se comporter de cette façon avec les femmes! Il disparaît aussitôt dans la foule. Lucrèce me dit:
  -En voilà un qui n’osera plus pointer le bout de son nez ici pendant un moment!

mercredi 16 mars 2011

Quelques minutes plus tard.. (74)

  Quelques minutes plus tard, je me retrouve dans un bureau. J’explique mon cas à un fonctionnaire qui me coupe la parole brutalement et me dit:
  -Que veux-tu que je fasse? Te donner la permission de retourner en Israël?
  -En effet. Tout ce que je demande, c’est de rentrer chez moi!
 -Je vais contacter les autorités. Reviens dans une quinzaine de jours et on verra alors...
  -Mais je ne peux pas attendre aussi longtemps!
  -Ecoute-moi bien, ce n’est pas moi qui décide; je ne peux rien te dire de plus. Au revoir!
  Je sors du consulat, désespérée de cette réponse laconique; évidemment, ce type a raison, mais tout de même, il aurait pu être un peu moins sec. J’avais presque oublié le côté abrupt des sabras!
  Je retourne aussitôt à Cannes; en stop, bien-sûr. J’arrive sans trop de difficulté à destination. Je monte dans ma chambre, sur le lit un mot de Lisa: «Salut Eli. Je suis venue hier soir mais tu n’étais pas là; passe ce soir chez moi, j’ai des choses à te dire! Ciao Lisa»
  Je jette mes frusques sales à terre, prends une douche. Enveloppée dans un drap de bain, je me repose. Une fois de plus, j’ai la désagréable impression d’être oubliée de tous, particulièrement de Zer; en plus devoir attendre ici pendant des mois peut-être et devoir retourner à Marseille tous les quinze jours, c’est impensable, que faire alors... Il reste la solution papa maman; j’entends déjà, fureurs et reproches s’abattre sur moi. Non, ce n’est pas envisageable. Pourtant il le faut. Finalement, je me fais violence et appelle mes parents. Comme prévu, ils sont atterrés d'apprendre mes mésaventures; j’écoute leurs condamnations sans broncher. Ils m’ordonnent de rentrer au bercail; ils m’enverront un mandat pour payer le voyage. Je les remercie pour le fric et leur demande de me laisser encore un moment pour essayer de régler les choses toute seule. Si je n’y arrive pas, il serra toujours temps de rentrer. 

mardi 15 mars 2011

Je me promène désoeuvrée.. (73)

   Je me promène désoeuvrée; je me sens très seule, pense avec nostalgie à Gilberte et à la paix du couvent, puis, avec moins d’émotion, je pense à Zer. Que fait-il en ce moment, et lui, a-t-il une pensée pour moi... Je me sens lasse, décide d’aller me coucher bien qu’il soit encore très tôt; je me dis qu’il vaut mieux se détendre que de traîner sans but dans la rue. Il faut que je m’habitue à l’étroitesse de la cahute. J’étouffe, ouvre les battants de la petite porte, m’assois à l’entrée, un peu cachée pour ne pas attirer l’attention; des rafiots vont et viennent provoquant un roulis qui me berce, je finis par m'assoupir. Je me réveille, il fait nuit, sur le quai un petit groupe d’hommes s’est arrêté, ils discutent bruyamment, quand soudain l’un d’eux sort de sa poche un objet qui brille dans la pénombre... 
  Je me fais discrète et retourne me coucher, je replonge aussitôt dans le sommeil.
  La chaleur me réveille. Les lattes disjointes de la cabine zèbrent mon corps de lumière. J’ouvre le portillon. L’air est saturé d’effluves de goudron et de relents de poisson pourri. Je ramasse mes affaires, mets la clef dans la cachette, me dirige vers La Canebière à la recherche d’un bistrot. Le besoin de vider ma vessie est devenue entre-temps si pressante que j’entre dans le premier endroit venu et file dare-dare aux toilettes. J’avais oublié que les w.c. dans ce pays étaient ces infâmes trous si peu pratiques pour les femmes... Je m’installe à la terrasse; d’après mes recherches, le consulat doit se trouver dans les parages. Le garçon confirme, c’est bien en face, la rue Paradis, il suffit de traverser.

j'ai la tête qui tourne.. (72)

  J’ai la tête qui tourne, je crève de faim, mais n’ose pas bouger de peur de rater David. Je me dis que sans lui, je passerai la nuit à la belle étoile, perspective peu rassurante vu les individus qui rôdent dans les parages, j’imagine que la nuit cela ne s’arrange guère. Presque une heure et demie que j’attends désespérément, quand un homme arrive vers moi d’un pas pressé. C’est lui; il s’excuse; il a dû garder un de ses mômes malade pendant que sa femme faisait les courses, il doit être de retour avant seize heures pour cueillir ses trois autres mouflets à la sortie des classes. Il est très nerveux, se ronge les ongles; à part cela, plutôt beau garçon. Je lui raconte ce qui m’amène ici, je lui demande s’il peut m’héberger pour quelques jours, le temps de passer au consulat et régler mes affaires. Le pauvre type me regarde comme si le ciel lui était tombé sur la tête! Après un long silence, il me dit que c’est impossible; il habite un HLM dans un quartier pourri et n’a qu’une chambre à coucher. Je lui dis que je comprends mais que je vais devoir dormir sur ce banc. Soudain, son visage s’éclaire, il a une solution: il possède une petite embarcation ici dans le port; il n’avait pas pas songé à me le proposer car il pensait qu’une femme comme moi aurait besoin de plus de confort, mais vu les circonstances... Nous nous dirigeons vers le pointu. La cabine est vraiment exiguë, on ne peut s’y tenir debout, il y a une couchette et une couverture. David m’avoue y dormir de temps à autre pour fuir l’enfer familial. Il me passe la clef du cadenas de mon logement de fortune et m’invite dans un petit resto où l’on prépare de vraies pizzas d’après ses dires. Nous nous installons à une table en retrait. Après un verre de chianti, David devient plus bavard, tout en mangeant, il me raconte la misère dans laquelle il se trouve depuis qu’il a quitté le pays.
  -Ma femme est dépressive, mes enfants difficiles, les boulots occasionnels, un appart minuscule dans un lieu surpeuplé, des malfrats qui foutent la merde et nous empêchent de fermer l’oeil presque chaque nuit, le tout dans un environnement jonché de crasses et  carcasses de bagnoles calcinées, la zone quoi, mais je ne vais pas t’ennuyer avec tout ça! Moi, ce que je ne comprends pas, c’est comment Zer a pu t’abandonner ainsi; il ne changera donc jamais, ce fils de pute!
  -Tu y vas un peu fort, si Zer t’entendait, tu passerais un mauvais quart d’heure!
  Mais il répète qu’il ne comprend vraiment pas, qu’on ne fait pas des choses comme ça, en tout cas pas lui, si j'étais sa femme, il ne me laisserait pas seule une seconde!  
  Je me dis que j’ai de la chance de ne pas être avec un type pareil...
  Heureusement, il doit s’en aller chercher ses moutards. Je le remercie pour tout; il me dit où cacher la clef. Il m'embrasse et s’en retourne d’un pas découragé. 

lundi 14 mars 2011

A peine réveillée.. (71)

   A peine réveillée, Delphine m’appelle:
  -Un coup de fil pour toi!
  C’est Anne, elle m’invite à manger un bout, ensuite on ira voir le dernier Ferreri. Me voilà devenue bien mondaine et flemmarde; je ne peux rien entreprendre pour l’instant, de toute façon Zer se fout de mon sort, ce n’est certainement pas par rapport à lui que je dois me justifier, alors pourquoi s’en faire, allons-y gaiement, sans culpabilité, me dis-je...
  Après cette fin de semaine agitée, je me prépare à partir pour Marseille. N’ayant pas l’argent pour le train, je me dirige vers la nationale, à la sortie de Cannes. Je lève mon pouce, en moins de deux minutes une voiture s’arrête. Le conducteur ouvre la portière, je prends place à côté de lui. La quarantaine, soigné, l’homme doit se rendre à Marseille pour affaire. Il m’assène aussitôt de questions. Je n’ai aucune envie de lui raconter ma vie, alors je m’invente un personnage à l’accent américain. Je m’appelle Jane, je viens des Etats Unis et fait de la danse, je vais à Marseille voir un ami New-yorkais! J’ai l’impression d’être totalement crédible, je me prends à mon propre jeu, je ne sens pas le temps passer. Déjà nous arrivons, l’homme me dépose au quai des belges dans le Vieux Port. Je ne suis plus Jane; je suis moi, perdue dans la grande cité où je ne connais personne. Je me souviens soudain qu’en revenant d’Espagne, Zer avait suggéré de faire un crochet par Marseille, un de ses potes s’y étant établi; je ne sais plus pour quelle raison nous n’étions pas allés le voir, mais je suis sûre d’avoir inscrit son téléphone dans le petit carnet dont je ne me sépare jamais. Assise face au port, je feuillette le carnet, repère le numéro, je vais dans une cabine et appelle l’ami. Quelqu’un décroche, je sors un petit laïus prémédité:
  -Bonjour, je suis bien chez David B. d’Ein-Kerem, l’ami de Zerah?
  -Oui, qui es-tu?
  -Je suis la femme de Zerah...
  -Ah, et Zerah est là aussi?
  -C’est à dire, je ne peux pas t’expliquer au téléphone, c’est trop long, pourrait-on se voir aujourd’hui?
  -C’est un peu difficile!
 Sur ce, je coupe court et supplie le gars de s’amener au plus vite; après beaucoup d’hésitations, il finit par accepter. On se fait rendez-vous au banc le plus proche de la cabine; il sera là dans une heure.

samedi 12 mars 2011

Pendant le déjeuner..(70)

   Pendant le déjeuner offert par Charles, nos nouveaux amis me posent des tas de questions, ils sont très intéressés par mes aventures, je vole même la vedette à Lisa. Anne me propose de venir à Lyon; elle habite dans une de ces imposantes maisons à traboules sur les quais du Rhône. Charles m’offre de passer un week-end chez lui avec Lisa bien-sûr. Il habite une très vieille maison entourée d’un immense jardin et verger. On décide d’y aller dès la fin du Festival. Nous nous quittons comme de vieilles connaissances avec embrassades et promesses de garder le contact. Lisa doit retourner à ses cours, je l’accompagne; chemin faisant, nous parlons de l’un et de l’autre. Lisa trouve Charles à son goût. Je ne peux m’empêcher de lui faire remarquer qu’il n’a rien d’un adonis, mais que côté fric, il y a de quoi le rendre séduisant!
  Lisa a un plan pour ce soir, elle connaît le lieu où se tiendra le cocktail pour la sortie du film de Brel, d’après ses dires, rien de plus facile que de se faufiler dans la foule, elle l’a déjà fait...
On se donne rendez-vous dans un troquet près de l’école vers vingt heures. Je retourne à la villa; en rentrant, je remarque un téléphone derrière l’escalier; je décide d’appeler Zer en PCV. La téléphoniste lui demande si il est d’accord de prendre la communication; il ne comprend évidemment rien, au bout d’un moment, il a enfin pigé et accepte de me parler!
  -Oui, c’est moi! Quoi? Où je suis? Mais à Cannes. Ce que je fous là? Mais tu es marrant, où veux-tu que je sois? Je suis là où on a bien voulu de moi! Comment, tu ne sais rien? As-tu au moins essayé de faire quelque chose pour moi? Quoi? Rien! Pourquoi? Ah, parce que tu ne sais pas quoi faire! Ecoute, je ne vais pas la faire longue, je t’entends très mal. Je te rappellerai dans quelques jours, oui, c’est promis, je te tiendrai au courant, je t’embrasse.
  Une fois de plus, il faudra que je me démerde toute seule; je ne suis pas étonnée, mais tout de même déçue... Dans mon élan, je prends l’annuaire pour trouver le consulat le plus proche. Il est à Marseille. J’irai dès lundi. Le soir, je retrouve Lisa; les rues sont pleines de festivaliers, certains en tenue de soirée. Nous arrivons devant l’endroit où se tient la réception. Lisa me dit de la suivre; elle s’adresse à deux types, leur demande si on peut rentrer avec eux, ça marche! Nous voilà au milieu d’une foule dense. Je viens de voir disparaître Lisa, happée par le magma d’hommes en smoking; je me glisse jusqu’à l’immense buffet où je me fais verser une coupe de champagne. Il y a également plein de bonnes choses à grignoter; j’essaye de me dégager portant d’une main le verre et de l’autre une assiette bien garnie; cela s’avère fort difficile, je risque à tout moment de me faire bousculer. Je reste plantée là comme une idiote au milieu de la cohue quand soudain un homme vient vers moi et me dit:
   -Vous permettez, je vais tenir votre assiette!
  -Vous êtes vraiment trop aimable, sans vous, je ne sais pas comment je m’en serais tirée...
  Lisa réapparaît un verre à la main, suivie d’un chevalier servant lui tenant son assiette...
  Nous terminons ainsi au milieu de la foule, entourées d’une petite cour; un peu plus loin, un cercle s’est formé autour de Brel...

vendredi 11 mars 2011

Après une demi-heure.. (69)

   Après une demi-heure de marche, j’arrive dans le centre; je prends un café crème croissant à la terrasse d’un bar-tabac, puis je rejoins la Croisette. Je me retrouve sur une plage d’un grand hôtel; on me dit que plus loin c’est la plage publique. Il y a déjà quelques personnes sur le rivage, j’enlève ma robe et m’allonge au soleil. N’étant pas une fervente de la bronzette, je me relève pour aller me baigner. Au loin, quelqu’un me fait de grands signes, je reconnais la silhouette élégante de Lisa. Pleine d’entrain, elle s’approche en parlant très fort. Toute la plage a le regard rivé sur nous. Lisa est dans son élément et gesticule de plus belle pour attirer encore plus l’attention. Elle bouge de façon à ce que chaque muscle de son corps soit mis en évidence. Depuis un moment, je remarque une femme assise à l’écart, elle se redresse et vient vers nous, elle a oublié son briquet. Je lui donne une pochette d’allumettes. Elle demande si nous sommes là pour le Festival, je réponds que ce n’est pas vraiment mon cas. A l’évidence, elle a envie de parler; nous lui proposons de s’installer auprès de nous. Pendant qu’elle s’éloigne pour ramasser ses affaires, on se dit qu’elle a l’air sympa, mais il me semble que ce visage avenant cache une souffrance, Lisa n’est pas de cet avis, pour elle, c’est simplement le visage d’une femme dans la quarantaine. Anne habite Lyon, c’est une cinéphile et comme chaque année, elle vient au festival. Elle loge chez un ami qui a un studio à Cannes; d’ailleurs c’est lui qu’elle attend, il ne devrait pas tarder, il aura une bonne surprise en la voyant entourée de si belles personnes, nous dit-elle! Peu de temps après, l'homme arrive. Anne fait les présentations. Comme toujours, quand un mâle se retrouve face à Lisa, elle sème le trouble. Elle me souffle furtivement à l’oreille: « celui-là, tu me le laisses! » Interloquée, je me dis qu’elle ne changera jamais. Charles est pharmacien, il m’a l’air d’un type honnête; en un clin d’oeil, Lisa flaire la bonne proie et jette son dévolu sur l’apothicaire qui ne regarde plus qu’elle.
  

jeudi 10 mars 2011

Je suis éblouie.. (68)

  Je suis éblouie par le charme désuet du lieu. C’est une grande et vieille demeure pourvue d’une énorme loggia en bois donnant sur le jardin entretenu juste comme il faut, planté d’essences rares. La villa est dans un état de délabrement avancé, mais c’est là tout son attrait. Nous montons un escalier de service qui grince à chaque pas tel un vaisseau dans la tourmente; Delphine ouvre une porte sous les combles et dit:
  -Voici ta chambre, de la fenêtre du fond, on aperçoit la mer. Il y a des draps et serviettes de bain dans le placard; tu peux rester aussi longtemps qu’il te plaira; moi je loge dans la chambre juste en-dessous, mais la plupart du temps je dors à l’école, j’ai la flemme de revenir ici le soir, et puis, je n’aime pas rester seule. Maintenant que tu es là, je passerai plus souvent; j’aime bien de parler avec toi, tu es si différente de Lisa! Il faut que je file, j’ai un cours dans une demi-heure. Ciao!
  J’installe mes petites affaires, et prends un bain. Des objets traînent un peu partout dans la pièce comme si la dernière occupante était partie en hâte ou qu’elle en fût chassée. C’était sûrement une chambre de bonne. Je me repose un moment tout en réfléchissant aux actions à mener les prochains jours afin de pouvoir retourner au plus vite à Jérusalem. D’abord téléphoner à Zer et entendre sa version des faits; dans un second temps, aller au consulat qui se trouve dieu sait où. Je me réveille en sursaut, ne sachant pas où je me trouve, je reprends mes esprits et me rends compte que j’ai fait le tour du cadran; le petit réveil de voyage que j’ai trouvé en fouillant dans l’armoire indique dix heures. Dehors quelqu’un ratisse le gravier; c’est une journée radieuse. Je me dis que j’ai le droit à un peu de farniente, et décide d’aller à la plage; je mets ma longue robe à fleurs par dessus mon bikini. En sortant, je tombe sur le jardinier, râteau à la main, il me fait un bonjour aimable mais distant. Je descends l’avenue verdoyante où l’on remarque à peine les villas cachées au fond des jardins. Je hume avec délectation l’air empli de senteur résineuse mêlée à l’atmosphère déjà chaude de l’avant midi printanier, cela me rappelle les allées du couvent. Ah, si Gilberte pouvait être ici, qu’est ce qu’on se marrerait...

mercredi 9 mars 2011

Je monte à l'étage.. (67)

   Je monte à l’étage et tombe nez à nez sur Lisa. On s’embrasse. Je lui raconte en bref mes péripéties; elle me conduit à la chambre qu’elle partage avec une étudiante italienne; il y règne un chaos invraisemblable. La moindre surface est recouverte de nippes, de chaussons de danse, de flacons de cosmétique. Je comprends qu’il est difficile de loger une personne de plus; je dormirai par terre entre les deux lits le temps de trouver un autre lieu. Nous passons la soirée à bavarder. Cela me fait du bien de me retrouver entre filles, surtout après les tensions de ces derniers jours. Mais à dix heures, elles sont fatiguées, leurs journées commencent à six heures, les cours se suivent à un rythme effréné, c’est quasiment inhumain d’après leurs dires; elles ont d’ailleurs des mines de déterrées. Carla ne sait pas si elle tiendra jusqu’à la fin de l’année. Et puis, elle n’a pas la taille requise, un mètre cinquante neuf est insuffisant pour devenir ballerine. J’essaye de la rassurer en lui disant que la vie d'artiste est un destin peu enviable, que l’on peut vivre pleinement d’un tas d’autres façons, que pour devenir danseuse, il faut être maso! Elles acquiescent en riant; Je m’endors péniblement sur mon matelas improvisé fait de sacs de couchage, de couvertures et de t-shirts en guise d’oreiller. Je suis bien décidée à ne pas m’éterniser dans ce temple de l’égocentrisme; ces nanas ne savent parler que de leur corps et de la danse, de rien d’autre; c’est lassant pour une non initiée. Après quelques jours, je finis par connaître d’autres filles, notamment Delphine qui est le petit rat type, toute en finesse et grâce, plus liante que la plupart d’entre elles. Delphine me propose de venir habiter dans la villa de sa tante à Super Cannes. (C’est le quartier le plus huppé de la ville, d’après Lisa.) La tante ne vit pas là en ce moment; il n’y a que le jardinier et Delphine; je peux occuper une mansarde avec commodités...

mardi 8 mars 2011

Je suis atterrée.. (66)

  Je suis atterrée, impuissante devant tant de mauvaises foi; je me risque à demander une  faveur:
  -Je veux téléphoner à mon mari.
  Là, le mec change de ton et dit:
  -Et pourquoi tu ne me l’as pas dit plutôt que tu es mariée, car dans ce cas ton mari n’a qu’à se porter garant et tout rentre dans l’ordre; du moins si tu peux prouver que tu es passée sous la Houppa?
  Je lui tends mon carnet de mariage belge. Il regarde avec dédain le document et me répond ce que je sais déjà:
   Mais tu te fous de moi! Ce truc n’a aucune valeur ici!
  Escortée sous bonne garde, je suis dirigée vers l’avion; sans me retourner, je monte les marches en me jurant qu’ils me revaudront ça d’une façon ou d’une autre.
  Je me retrouve à la Côte d’Azur, ne sachant où aller, quand soudain, je me souviens que Lisa est à Cannes! Heureusement, le nom de son école de danse m’est resté dans la tête; j’appelle aussitôt ma copine depuis une cabine dans l’aéroport. Une femme répond et me demande de patienter quelques instants; j’entends avec soulagement la voix de Lisa:
  -Lisa, c’est moi, Eli. Je suis à Nice. Pourrais-tu m’héberger quelques jours?
  -Ben, ça alors, mais qu’est-ce que tu fais là?
  -Peux-tu m’héberger ou pas? Le reste, je t’expliquerai plus tard.
  -A vrai dire, c’est assez compliqué, mais on se démerdera. Amène-toi!
  -Merci! Tu me sauves la mise. Je serai là dans une heure.
  Je me dis que je suis vernie; j’ai en poche de quoi tenir une bonne semaine, pour la suite, je verrai bien!
  Je prends place dans le bus qui m’emmène vers Cannes, cette fois, j’ai une sensation de vacances...
   Il est sept heures du soir quand j’arrive, épuisée, devant l’école. Je dépose ma valise dans le couloir; des filles en collant vont et viennent; j’accoste l’une d’elles et lui demande où je pourrais trouver Lisa.
  -C’est au premier, la chambre la plus bordélique au fond du couloir, tu ne peux pas la rater!

lundi 7 mars 2011

Je la supplie.. (65)

   Je la supplie de me dire ce qui m’arrive; mais elle reste muette, ce qui me met hors de moi.
  -J’ai le droit de savoir ce qui se passe, lui dis-je. D’ailleurs, j’ai le droit de téléphoner à quelqu’un, quoi que vous ayez à me reprocher, ensuite il faut que j’aille aux toilettes et pour finir, je crève de faim et de soif, je n’ai plus mangé depuis très longtemps; à propos, quelle heure est-il? 
  Aucune réponse, entre-temps, nous avons rejoint un endroit plus animé de l’aéroport et toutes mes revendications restent vaines; je suis folle de rage et décide de ne plus avancer, je m’assois à même le sol. La femme essaye de me tirer par la menotte qui me relie à elle, mais n’y parvient pas, des gens s’arrêtent pour nous regarder, d’une voix forte elle dit: «Circulez! il n’y a rien à voir»
  Elle m’implore d’avancer, de peur d’un nouvel esclandre elle m’emmène finalement aux chiottes. J’en profite pour me débarbouiller un peu et dis à cette salope que je ne sortirai pas d’ici avec ce foutu truc au poignet, que ça suffit ainsi, qu’elle n’a rien à craindre, que je veux bien la suivre mais sans entrave, elle me répond que ce sont les ordres, qu’elle les suit à la lettre. Elle me conduit dans un petit bureau où un policier tamponne des documents; par la fenêtre j’aperçois un bout de piste, le ciel est bleu. D’après les ombres, il n’est pas loin de midi. La femme détache enfin ma main de la sienne et s’en va sans un mot. Le type me regarde et dit:
  -Voici les raisons pour lesquelles nous t’avons retenue et te refoulons d’Israël: tu t’es rendue coupable d’avoir vendu des produits illicites et nous ne souhaitons pas peupler notre pays avec des gens de ton espèce. Tu prendras le prochain avion à destination de Nice, voilà tout. Ah, non! J’oubliais, tu devras rembourser ton billet d’avion. Le policier me remet des papiers à signer; je refuse et dis que j’ai été condamnée pour possession de drogues par le passé, mais que j’ai été jugée, que j’ai payé ma dette, que c’est une vieille histoire et que jamais personne n’a été condamné deux fois pour les mêmes faits, que légalement leur truc ne tient pas la route, mais il ne veut rien entendre et dit:
  -Tu vas signer sagement et puis tu prendras place dans l’avion que tu vois là-bas, il n’attend plus que toi, alors fais ce qu’on te dit en vitesse et ferme ta grande gueule!

dimanche 6 mars 2011

Après quelques heures de vol.. (64)

  Après quelques heures de vol, nous atterrissons; une chaleur moite nous enveloppe dès la descente d’avion. Nous avançons dans une longue file avant d’arriver à la douane. Zer passe en premier les contrôles et me fait signe de le rejoindre au dépôt des bagages. A mon tour, je remets mes documents au préposé. Après un moment, celui-ci appelle un collègue; ils discutent à voix basse en me regardant; je leur demande si ils me prennent pour une dangereuse terroriste! Mais les gars ne plaisantent pas; ils me disent de la fermer et de suivre la femme flic qui vient vers moi. Je proteste et leur dis qu’ils sont ridicules, que c’était pour rire, qu’ils ont perdu tout sens de l’humour. Mais rien n’y fait, je suis emmenée dans un labyrinthe à l’autre bout de l’aéroport; on me jette sans autre explication dans un minuscule réduit sans lumière du jour, ni ventilation. La porte est bouclée à double tour. L’endroit est sordide, jonché de vêtements sales, de papiers gras; des balais, des seaux encombrent le cagibi. Sur une petite table brinquebalante, les restes d’un repas oublié depuis un moment à en juger de l’odeur; pour compléter cette nature morte, un cendrier débordant de mégots. Dans un premier temps, je tape avec rage sur la porte. Je me dis que Zer ne me voyant pas arriver, aura ameuté tout le monde pour me retrouver. De toute façon, il y a erreur: pourquoi me retiendraient-ils, je n’ai rien à me reprocher. Je recommence à tambouriner sur la porte avec moins d’allant au fur et à mesure que les heures passent. Aucun bruit ne me parvient de l’extérieur; j’ai la désagréable impression que plus personne ne se préoccupe de moi. Un jour quelqu’un ouvrira cette porte et découvrira mon corps momifié! Je m’affale dans un coin et pleure. Après un temps infiniment long, me semble-t-il, j’entends enfin des cliquetis d’un trousseau de clefs, des pas qui approchent; Je me relève, frotte en hâte la poussière de mes fringues. C’est la femme flic qui ouvre la porte et me dit:
  Allez, viens ici que je te menotte! On va faire un petit tour...

samedi 5 mars 2011

La mer est fort agitée.. (63)

  La mer est fort agitée ce qui n’arrange pas l’humeur de Zerah, c’est son baptême de l’eau. Après une traversée houleuse, nous quittons le ferry avec soulagement. J’appréhende la conduite à gauche, mais nous parvenons à Londres sans encombre. Zer veut à tout prix voir Carnaby street. Nous visitons la ville au pas de course, comme d’habitude...
  Notre prochaine destination, l'Ecosse. Depuis longtemps, je rêve de voir ce pays, mais Zerah m’empêche de savourer pleinement de la beauté des paysages brumeux. Nous nous arrêtons au Loch Ness. Zer ne trouve rien de mieux que de nettoyer la bagnole au bord de l’eau; je lui fais remarquer que ce n’est pas très romantique, mais il n’en a cure et hausse les épaules...
  A Inverness, nous logeons à l’auberge de jeunesse. Il n’y a que deux autres âmes égarées dans ce lieu, aux confins de la terre. Zer vient se faufiler dans ma couchette, ce qui n’a pas échappé à la vigilance du gardien qui lui fait remarquer que les garçons n’ont pas le droit de pénétrer le dortoir des filles; Zer a pigé et se met dans une colère noire, il insulte le pauvre homme qui n’a probablement jamais vu énergumène de cette espèce! Le lendemain, nos décidons de commun accord que les vacances ont assez duré, qu’il est temps de rentrer. 
  Nous repassons par Bruxelles pour vendre la Triumph et réserver nos billets d’avions. A l’agence, on nous informe que si nous sommes pressés, il reste encore deux places en début de soirée, au départ de Bruxelles, avec un transit par Nice; qu’à cela ne tienne, nous partirons dès ce soir. 
On négocie en vitesse la caisse; un coup de fil à mes parents, et nous voilà repartis vers des cieux plus cléments. Arrivés à Nice vers sept heures du soir, nous décollons aussitôt du petit aéroport, direction Tel-Aviv. Zer a une trouille inavouée et se soûle au whisky; il somnole en jetant de temps en temps un regard inquiet autour de lui. Je me dis que finalement ce séjour m’a fait connaître quelques autres facettes de Zerah; il n’est vraiment pas fait pour les voyages. De retour au pays, il se sentira mieux, enfin j’ose l’espérer et souhaite que notre relation perdure, envers et contre tout...

vendredi 4 mars 2011

Nous atteignons.. (62)

  Nous atteignons les environs de Calais; un épais brouillard nous empêche de continuer, on se range tant bien que mal au bord d’une route, fatigués et transis de froid. Zer prospecte les abords, après deux minutes, il revient traînant un énorme carton et dit:
  -C’est tout ce que j’ai à te proposer pour la nuit, il y a juste de la place pour deux, prend la couverture.
  C’est assez confortable pour une nuit, quelle aubaine! Enlacés, bien au chaud, on s’endort d’un sommeil profond. Je suis réveillée par des bruits de circulation intense, le carton est brimbalé à chaque déplacement d’air provoqué par le passage de poids lourds. Je secoue Zer qui dort toujours à poings fermés, il sursaute et dit:
  -Qu’est-ce qu’il y a, laisse-moi dormir!
  -Allons Zer, si tu ne te lèves pas, je ne peux pas sortir, le bruit est infernal!
  Je réussis enfin à le tirer de son sommeil; nous nous dégageons de notre abri de fortune, un peu courbaturés; nous découvrons que nous sommes au bord d’une route très fréquentée, qui plus est, à l’entrée d’une usine! Le jour commence à poindre, des ouvriers arrivent, d'autres s’en vont les traits tirés par une nuit de labeur. Le brouillard s’est complètement levé. 
  Arrivés à Calais, on se dirige vers l’embarcadère des car-ferries, mais l’attente est longue; le prochain bateau part dans trois heures. Petit à petit, le parking se remplit. A côté de nous s’est garée une camionnette aménagée en camping-car. A son bord, un gars et une assez jolie fille; elle porte du rouge à lèvre vert et du vernis à ongle assorti; ça lui donne un air étrange qui me plaît bien. J’en fais part à Zer qui me dit un peu agacé qu’il l’avait déjà remarquée; il la trouve superbe et autrement plus souriante que moi! Je lui fais remarquer qu’elle n’a certainement pas dormi dans un carton au bord d’une route, quelle ne s’est pas réveillée au petit matin sans s’être lavée! Zer s’est levé du pied gauche. Et bien-sûr, il continue de m’accabler jusqu’à ce que je craque. Je me lève, ouvre le coffre de la voiture et m’empare des deux sacs contenant les vases et m’en vais les jeter un peu plus loin sur une avancée rocheuse descendant vers la mer; je reviens et dis à Zer:
  -Nous voilà débarrassés de ses affreux machins qui par ailleurs encombraient le peu d’espace de cette connerie de bagnole qui, entre parenthèse, est encore une de tes bonnes idées!
  -Mais tu es folle à lier! Je suis certain que l’on aurait pu vendre les vases en Angleterre.
  -Tu veux rire! C’est toi qui es fou, tu as bien vu qu’à chaque tentative de vente, les gens refusaient soupçonnant qu’ils étaient volés! Et puis, on n’a pas la tête de l’emploi! Ce qui est certain, c’est que je me sens beaucoup mieux à présent; rien de tel pour se défouler...
  Ma volonté de détendre l’atmosphère retombe à plat. Zerah est un délinquant relationnel, je suis sa victime; pour le moment, je ne peux pas réagir; cela durera tant que je serai amoureuse. A chaque dispute quelque chose se brise et m’éloigne un peu plus de lui...

jeudi 3 mars 2011

Empruntant les petites routes.. (61)

   Empruntant les petites routes de campagne, nous traversons des villages à une allure plutôt lente, quand soudain un policier en bicorne nous barre la route. Nous sommes en infraction, excès de vitesse, enfin, c’est ce que nous comprenons; il nous demande nos papiers, les examine et d’un geste impérieux nous fait signe de le suivre. A un moment donné, il arrive devant un jardin privé et ouvre la grille. Nous devons nous garer dans l’allée et attendre. Le policier se dirige vers la maison au fond du jardin et frappe à la fenêtre; un homme d’un certain âge à l’allure raffinée sort de la maison. Il nous salue poliment et nous dit en français:
  -Ne m’en veuillez pas, je n’y suis pour rien, je viens en tant que traducteur. 
 Je vous conseille de faire ce que cet homme vous demande sans discuter, dit-il craintivement et poursuit:
  -Donnez-lui l’argent qu’il réclame et vous partirez libre!
  Cette histoire me semble tellement énorme que je reste sans voix. Zer me presse de traduire à mon tour; il n’en revient pas, il explose et fait signe au policier qu’il ne payera pas. Je le mets en garde, mais ne veut rien entendre; il vocifère des injures en arabe, je le supplie de se taire et lui chuchote à l’oreille:
  -Si tu continues, tu va te retrouver dans un geôle de Franco; ce flic a tous les pouvoir, on ne discute pas avec eux. Arrête, je t’en prie!
  Pendant ce temps, le flic nous pousse hors du jardin dont il ferme la grille et nous fait dire par l’intermédiaire du traducteur que tant que nous n’obtempérerons pas, il nous rendra pas la bagnole et nos papiers! Zer s’obstine pour la forme, mais finalement me dit:
  -C’est bon, il a gagné, donne lui son fric et dit lui de garder la monnaie pour acheter du chocolat à ses enfants, si, si, dis-lui!
  Après ce traquenard, l’envie de traîner en Espagne s’est émoussée. A présent, nous filons au plus vite vers le nord. 

mercredi 2 mars 2011

En passant la porte.. (60)

  En passant la porte, je remarque le sol en terre battue recouvert de sciure de bois. Au milieu, un grand comptoir; un jeune homme y est accoudé, habillé d’une veste de smoking à queue de pie, une serviette immaculée pendue à son bras gauche; un petit groupe, probablement les pêcheurs, sont assis plus loin; ils cassent la croûte et mangent du poisson. J’ai l’impression d’être entrée par mégarde dans un film de Buñuel! Le garçon parle quelques mots de français, je lui demande si on peut également avoir du poisson, il me dit qu’il n’en a pas, que ces personnes mangent ce qu’ils viennent de pêcher; ayant deviné ce que nous désirons, un homme se lève et revient avec deux truites, nous protestons par politesse; il nous fait comprendre qu’il serait heureux de partager ce peu de chose avec nous. Aussitôt, Zer fait signe au garçon de servir une tournée générale. On trinque avec les pêcheurs en les remerciants de leur générosité. Les truites sont succulentes. Les hommes nous expliquent qu’il y a un rio un peu plus loin derrière la colline, qu’il y a encore de l’eau, mais plus pour longtemps... Nous apprenons que notre distingué serveur a travaillé dans un resto à Paris. Je m’interroge sur le fait que nous ayons tourné en rond en venant ici; je déploie ma carte routière. Je demande le nom de l’endroit; les hommes répondent en coeur Trujillo, avec un sourire narquois. L’un d’eux finit par nous raconter qu’un petit malin a placé une indication en sens inverse du vrai Trujillo; ainsi certains touristes s’égarent et arrivent dans ce lieu-dit du nom de Cañada à peine lisible sur la carte. Nous quittons à regret ce petit monde accueillant.
  J’ai tracé un itinéraire pour la suite du voyage et le propose à Zer:
  -D’abord on ira à Séville. De là nous irons jusqu’au bout de la péninsule voir Gibraltar, puis nous remonterons vers Grenade.
  -Et après? me demande Zer.
 -Après on verra bien, on est libre comme l’air! Si ça nous plaît pas, on peut toujours aller ailleurs...
  -Oui, mais j’en ai un peu marre de l’Espagne, j’ai envie d’aller en Angleterre.
  -De toute façon, on n'a pas le choix, il faut se refarcir toute l’Espagne! 
  Zer est comme un môme, il s’ennuie très vite. Ce qu’il aime, c’est le changement. Et puis, il se sent trop dépendant de moi, c’est là le hic. Afin d’éviter toute dispute, je lui laisse la décision.
  -Bon d’accord à condition que l’on ne traîne pas dans tous ces endroits que tu veux visiter!
  Evidemment, je savais que ce périple ne serait pas de tout repos, que tôt ou tard des problèmes surgiraient. Depuis notre départ cela se passe plutôt bien, mais je sens qu’à la moindre contrariété ce pourrait devenir l’enfer...