lundi 14 mars 2011

A peine réveillée.. (71)

   A peine réveillée, Delphine m’appelle:
  -Un coup de fil pour toi!
  C’est Anne, elle m’invite à manger un bout, ensuite on ira voir le dernier Ferreri. Me voilà devenue bien mondaine et flemmarde; je ne peux rien entreprendre pour l’instant, de toute façon Zer se fout de mon sort, ce n’est certainement pas par rapport à lui que je dois me justifier, alors pourquoi s’en faire, allons-y gaiement, sans culpabilité, me dis-je...
  Après cette fin de semaine agitée, je me prépare à partir pour Marseille. N’ayant pas l’argent pour le train, je me dirige vers la nationale, à la sortie de Cannes. Je lève mon pouce, en moins de deux minutes une voiture s’arrête. Le conducteur ouvre la portière, je prends place à côté de lui. La quarantaine, soigné, l’homme doit se rendre à Marseille pour affaire. Il m’assène aussitôt de questions. Je n’ai aucune envie de lui raconter ma vie, alors je m’invente un personnage à l’accent américain. Je m’appelle Jane, je viens des Etats Unis et fait de la danse, je vais à Marseille voir un ami New-yorkais! J’ai l’impression d’être totalement crédible, je me prends à mon propre jeu, je ne sens pas le temps passer. Déjà nous arrivons, l’homme me dépose au quai des belges dans le Vieux Port. Je ne suis plus Jane; je suis moi, perdue dans la grande cité où je ne connais personne. Je me souviens soudain qu’en revenant d’Espagne, Zer avait suggéré de faire un crochet par Marseille, un de ses potes s’y étant établi; je ne sais plus pour quelle raison nous n’étions pas allés le voir, mais je suis sûre d’avoir inscrit son téléphone dans le petit carnet dont je ne me sépare jamais. Assise face au port, je feuillette le carnet, repère le numéro, je vais dans une cabine et appelle l’ami. Quelqu’un décroche, je sors un petit laïus prémédité:
  -Bonjour, je suis bien chez David B. d’Ein-Kerem, l’ami de Zerah?
  -Oui, qui es-tu?
  -Je suis la femme de Zerah...
  -Ah, et Zerah est là aussi?
  -C’est à dire, je ne peux pas t’expliquer au téléphone, c’est trop long, pourrait-on se voir aujourd’hui?
  -C’est un peu difficile!
 Sur ce, je coupe court et supplie le gars de s’amener au plus vite; après beaucoup d’hésitations, il finit par accepter. On se fait rendez-vous au banc le plus proche de la cabine; il sera là dans une heure.