mardi 1 mars 2011

Arrivé à Madrid.. (59)

  Arrivé à Madrid, Zer est intimidé par la grande ville, il refuse d'y faire halte. Je comprends, c’est un peu angoissant pour quelqu’un qui n’a jamais voyagé. Je le convainc malgré tout de passer la nuit ici. Par hasard, on trouve refuge dans une auberge de jeunesse. Le lendemain, nous partons pour Tolède. Je tiens à visiter cette ville, c’est en quelque sorte un retour à mes origines séfarades. Il paraîtrait que mes ancêtres, en tout cas une branche du côté paternel, aurait vécu à Tolède. Nous visitons quelques hauts lieux de la cité mythique. Je quitte avec un brin de nostalgie la ville perchée...
  La route que nous entamons ressemble à une piste parsemée de gros cailloux et nids de poule; à chaque véhicule que l’on croise, des nuages de poussière s’élèvent qui nous font suffoquer. (Presque toutes les voitures venant en sens inverse ont le pare brise éclaté); Zer me dit de plaquer ma main sur la vitre pour éviter qu’elle ne tombe  à son tour en miette. Je m’aperçois soudain que nous tournons en rond; je suis certaine que nous sommes déjà passés par ici il y a moins d’une heure, mon bras me fait mal à force de le tendre, j’ai soif, je n’en peux plus. Je repaire un panneau sur lequel est indiqué Trujillo. Nous décidons de nous y rendre. On s’arrête devant l’unique café du bled. Quelques vélos avec paniers et cannes à pêche sont rangés près de l’entrée. Je me demande ce qu’on peut pêcher dans ce coin sans le moindre ruisselet ni verdure...
  

Conducteur infatigable.. (58)

  Conducteur infatigable, Zer aime rouler. Nous arrivons au-delà des Pyrénées le soir même. Laissant derrière nous de hautes falaises ocrées; à un croisement sur la nationale, j’aperçois une indication en direction d’un chemin poussiéreux. Je lis avec peine Hostal. Nous quittons la grande route. Des pelotes de paille emportées par le vent roulent en soubresauts au travers d’étendues arides. Une petite auberge blanche surgit au milieu de nulle part. A la porte, une vieille femme vêtue de noir écarte un rideau de perles multicolores, on lui fait comprendre que nous voulons manger et dormir. Aussitôt elle nous fait signe d’entrer et nous désigne une table couverte d’une toile cirée, la vieille retourne à ses fourneaux au fond de la pièce. Apparemment, nous sommes les seuls clients; l’endroit ne paye pas de mine, j’aime ce côté raboteux à l’image de la région. La femme nous apporte deux énormes bols remplis d’un brouet; c’est un ragoût aux pois chiche, poulet, et cochonnailles. Zer n’en mangera pas si il sait qu’il contient du porc, je me risque de ne rien dire. Nous mangeons avec beaucoup d'appétit, soudain Zer remarque une rondelle de chorizo, je crois qu’il est sur le point de découvrir le pot aux roses, et me demande:
   -C’est quoi ça?
  -C’est une spécialité du pays faite avec du boeuf et des piments. j’en ai mangé à Bruxelles, c’est bon! Toi aimeras, ça arrache!
  -Ah, je ne te le fais pas dire, c’est presque aussi piquant qu’un plat yéménite!
  Je pousse un long soupir de soulagement que je fais passer pour un bâillement de fatigue...
  Après une nuit agitée dans un lit trop étroit, nous retrouvons la vieille qui nous sert un café au lait imbuvable accompagné de pain dur comme une semelle, mais tout cela n’entame pas notre bonne humeur; je me dis que le bonheur existe. Nous rejoignons la grande route, en direction du sud.