vendredi 5 juillet 2013

Un cliquetis de clés... (182)


   Un cliquetis de clés me réveille en sursaut. La porte s’ouvre avec fracas, une matone apparaît et m’ordonne de me lever. Dans un premier temps, j’ai du mal à me souvenir pourquoi je suis en isolement. Petit à petit, je retrouve la chronologie des événements mais ne sais pas combien d’heures j’ai pu dormir. Aucune lueur du jour ne filtre de l’unique petite fenêtre grillagée; dans le couloir, les néons sont toujours allumés. Je demande l’heure à la matone qui me répond d’un ton sec:
   -Il est presque midi, t’as pioncé vingt quatre heures, normal, vu la dose de calmant qu’on t’a injectée; maintenant que tu es calmée, tu vas retrouver tes petites camarades!
  Je m’interroge sur les trois pétasses, ont-elles eu droit au même traitement. Mais je n’ose plus rien demander, elle n’a pas l’air commode. Je la suis dans l’interminable couloir. En passant devant une porte vitrée, je vois mon reflet. Avec effroi, je constate un coquard énorme à l’oeil gauche. A côté de ma joue enflée, sur la tempe, du sang coagulé forme déjà une croûte épaisse -touffe de cheveu arrachée. Je suis monstrueuse, bonne pour la foire. Je vais être bien reçue avec cette tronche-là! J’ai du mal à suivre la geôlière, l’impression d’être cassée de partout. Je prends de bonnes résolutions. Dorénavant, je la bouclerai quoi qu’il advienne. L’accueil est tonitruant, toutes se foutent de ma gueule, quelques-unes claudiquent à ma suite jusque devant ma cellule. Aussitôt, je m’allonge en leur tournant le dos ce qui provoque une douleur fulgurante au niveau de mes côtes. Un cri m’échappe. Contre toute attente, ma voisine d’en-bas me regarde avec commisération et dit:
   -Tu pourras faire mon portrait? J’ai vu les dessins que tu avais jetés, t’es une vrai artiste ma parole!
    -Quoi? Tu es allée fouiner dans la poubelle! J’ai honte, j’aurais dû les déchirer! Bon, je te promets rien, mais dès que je serai sur pied, on en reparlera, ok?
     -Ok, ça m’va! 
    -A propos, dis-moi, où sont passées les filles qui m’ont agressée, je ne les vois nulle part?
   -J’sais pas, disparues depuis votre petit spectacle! De toutes façon, c’était des emmerdeuses, bon débarras! Mon nom est Suzy, si t’as besoin de quelque chose, tu n’as qu’à m'appeler!
    -Je te remercie Suzy, moi c’est Elie.
    Le vent semble avoir tourné, peut-être je finirai par me sentir bien dans cette taule, me dis-je en m’assoupissant.