samedi 8 janvier 2011

Je ne remis jamais.. (8)

  Je ne remis jamais les pieds à l’école d’art, ce qui entraîna la fin de mon insouciance pécuniaire. Mes parents m’avaient prévenue, plus d’études, plus d’argent.
  Cela fait au moins une semaine que je n'ai pas bougé; je décide d’aller voir ce qui se passe au-delà de ces murs.
  Les pieds endoloris par une marche forcée dans la chaleur, la gorge sèche, je décide de faire une halte. La seule terrasse alentour est peuplée d’hommes fumant le narguilé; sans m’en rendre compte, je suis arrivée à l’est de la ville. J'aperçois un flic qui aide un troupeau de touristes à retrouver son chemin, je m’approche de l’homme qui aussitôt s’avance vers moi abandonnant les égarés, et me dit dans un anglais marqué d’un fort accent arabe:
  -Puis-je t’aider, ça fait un moment que je t’observe, toi aussi, tu es perdue?
  Il est plutôt beau gosse dans sa tenue bleu nuit. Depuis quand tu craques pour des hommes en uniforme, me dis-je, troublée. Je lui réponds qu’en effet, je suis désorientée, fatiguée et morte de soif.
  -Cela peut s’arranger, viens, je t’offre un thé,  me dit-il avec un sourire ravageur.
  On s’assoit au fond d’une gargote.
  -J’ai fini mon travail, je t’invite à manger, mais avant, il faut que je passe chez moi pour me changer, es-tu d’accord?
  -Ok, mais à condition que je sois chez moi avant minuit.
  En bref, je lui explique ma situation, que j’occupe une chambre dans un couvent et que je n’ai plus un sou...
  Si tu veux du boulot, j’ai un ami qui tient un bar pas loin d’ici, il cherche une serveuse, c’est très bien payé, on passera chez lui plus tard.
  Me voilà en route vers je ne sais où, flanquée d’un policier! Après quelques minutes de marche, nous arrivons chez lui. Il habite une masure en parpaings composée d’une pièce, et à l’arrière dans la courette, un cagibi faisant office de wc et douche.
  -Allonge-toi sur mon lit et repose-toi pendant que je me débarbouille et voilà de quoi rêver. Il me passe un énorme joint de hash que j’accepte avec une joie non dissimulée. Je m’étends sur la paillasse et scrute la chambre, une petite armoire de guingois, un bris de miroir posé sur une étagère composent tout le mobilier. 
 Je m’endors, bercée par la voix d’Oum Kalsoum diffusée d’un poste de radio crachotant dans une ruelle voisine.