jeudi 10 mars 2011

Je suis éblouie.. (68)

  Je suis éblouie par le charme désuet du lieu. C’est une grande et vieille demeure pourvue d’une énorme loggia en bois donnant sur le jardin entretenu juste comme il faut, planté d’essences rares. La villa est dans un état de délabrement avancé, mais c’est là tout son attrait. Nous montons un escalier de service qui grince à chaque pas tel un vaisseau dans la tourmente; Delphine ouvre une porte sous les combles et dit:
  -Voici ta chambre, de la fenêtre du fond, on aperçoit la mer. Il y a des draps et serviettes de bain dans le placard; tu peux rester aussi longtemps qu’il te plaira; moi je loge dans la chambre juste en-dessous, mais la plupart du temps je dors à l’école, j’ai la flemme de revenir ici le soir, et puis, je n’aime pas rester seule. Maintenant que tu es là, je passerai plus souvent; j’aime bien de parler avec toi, tu es si différente de Lisa! Il faut que je file, j’ai un cours dans une demi-heure. Ciao!
  J’installe mes petites affaires, et prends un bain. Des objets traînent un peu partout dans la pièce comme si la dernière occupante était partie en hâte ou qu’elle en fût chassée. C’était sûrement une chambre de bonne. Je me repose un moment tout en réfléchissant aux actions à mener les prochains jours afin de pouvoir retourner au plus vite à Jérusalem. D’abord téléphoner à Zer et entendre sa version des faits; dans un second temps, aller au consulat qui se trouve dieu sait où. Je me réveille en sursaut, ne sachant pas où je me trouve, je reprends mes esprits et me rends compte que j’ai fait le tour du cadran; le petit réveil de voyage que j’ai trouvé en fouillant dans l’armoire indique dix heures. Dehors quelqu’un ratisse le gravier; c’est une journée radieuse. Je me dis que j’ai le droit à un peu de farniente, et décide d’aller à la plage; je mets ma longue robe à fleurs par dessus mon bikini. En sortant, je tombe sur le jardinier, râteau à la main, il me fait un bonjour aimable mais distant. Je descends l’avenue verdoyante où l’on remarque à peine les villas cachées au fond des jardins. Je hume avec délectation l’air empli de senteur résineuse mêlée à l’atmosphère déjà chaude de l’avant midi printanier, cela me rappelle les allées du couvent. Ah, si Gilberte pouvait être ici, qu’est ce qu’on se marrerait...