mardi 12 février 2013

Menottée, on m'embarque... (172)


    Menottée, on m’embarque dans une voiture de police, les autres filles montent dans un bus. Je demande au gardien qui m’accompagne pourquoi je ne vais pas avec les autres, il répond qu’il n’y a pas assez de place pour tout ce monde, qu’on les renvoie dans leur pays. J’essaye d’avoir plus d’informations sur ce qui m’attend, mais il dit ne rien savoir, que je ferais mieux de me taire, et que si je suis dans cette situation, c’est qu’il doit bien y avoir une raison. D’habitude, j’aurais rué dans les brancards, mais à présent, cela ne servirait à rien. Quelque part, il a raison, bien que je ne m’attendais pas à être arrêtée de telle façon. Il aura fallu tous ces concours de circonstances, depuis ce foutu feu arrière, jusqu’au drame imprévisible d’hier soir pour en arriver là. Je n’ai même plus le loisir de m’apitoyer sur mon sort, je n’ai d’ailleurs aucune pensée, je ne suis qu’une des billes d’un roulement qui tourne fou. Nous arrivons à destination; la bagnole s’arrête devant la grille d’un immense bâtiment sur lequel je lis avec effroi: Los Angeles County Jail. C’est donc ça le fameux centre fermé! Pour ce qui d’être fermé, c’est bien fermé! Après avoir attendu la permission d’entrer, la grille s’ouvre, se referme aussitôt sur notre passage. On me fait descendre devant une autre grille qui s’ouvre à son tour, puis une porte blindée s'entrebâille lentement, donnant accès à un long couloir peint en gris, le sol, les portes, tout est gris, même la lumière, jusqu’à l’odeur qui elle aussi est grise. Une gardienne me dirige vers un local où je dépose mes affaires. A nouveau un tas de questions, on remplit une fiche, puis, on prend mes empreintes. On me donne des vêtements, un drap, une taie et une couverture. Ensuite, je dois me déshabiller, laisser mes effets dans un casier numéroté, et attendre à poil pendant un moment devant la salle des douches, heureusement, il y fait très chaud, même étouffant. D’autres femmes arrivent, cinq en tout. Après la douche, on nous fout de la poudre dans les tifs, sous les aisselles,  dans les poils pubiens. Je me sens mal, je suffoque, ça pue la mort. Je veux m’allonger, mais suis aussitôt rappelée à l’ordre, on nous presse, pas question de s’éterniser, il faut que ça gaze, que l’on revête les pyjamas avec matricule imprimé au-dessus de la poche à droite sur la poitrine. Avant de rejoindre nos quartiers, il y a encore la touche finale qui consiste à nous riveter autour du poignet droit un bracelet en plastique blanc scellé sur lequel sont inscrits nom, prénom, date de naissance, empreinte digitale et matricule. L’opération terminée, deux gardiennes ordonnent de nous placer en file indienne, et de suivre, dans un silence absolu, la ligne rouge tracée sur le linoléum menant aux cellules.