mardi 8 février 2011

Malgré la biture de la veille...(38)

  Malgré la biture de la veille, je me sens en forme pour affronter cette nouvelle journée, quoi qu’elle me réserve. Je repense à toutes les mises en garde de Gilberte, particulièrement à propos de faire des mômes ou pas. «Ne fais jamais cette bêtise», m’a-t-elle dit. De toute façon, je n’ai pas encore éprouvé un désir de maternité. Mon besoin de liberté ne m’incite pas à m’encombrer de chiards, ce qui ne m’empêche pas de beaucoup aimer les enfants.
  La sonnerie du téléphone me fait sursauter, je me précipite et décroche. Une voix lointaine me parvient, c’est lui. Zer appelle depuis la prison de Ramleh, à côté de Tel-Aviv; il me dit les jours et les heures de visites, et me demande si je peux venir lui apporter quelques objets de première nécessité, il dit aussi que je ne dois pas m’en faire et qu’il m’aime. 
  Cette fois, c’est la totale! J’irai apporter des oranges à mon homme en prison. J’ai l’impression de m’être égarée dans un mauvais mélo. Je monte au village pour prévenir les parents. Le père me reçoit gentiment et me propose de venir chercher ce dont j’ai besoin à l’épicerie, précisant que l’on réglera l’aspect financier au retour du fils. La mère surgit en furie, comme d’habitude. Des cris et des gestes traduisent son désarrois, mais très vite je comprends que c’est moi qu’elle met en cause. Si son enfant est en prison, c’est de ma faute, moi la mécréante venue du couvent. Elle poursuit ses lamentations, se frappe le visage et la poitrine comme une pleureuse antique. Je reste bouche bée devant cette scène pathétique. Je m’en retourne sans un mot. Dorénavant, je ne demanderai plus rien à la famille et me débrouillerai seule.