mercredi 23 mars 2011

D'un pas rapide.. (81)

  D’un pas rapide, je vais par les ruelles désertes, arrivée sur la place du village, j’entends encore quelques prières en passant devant la petite synagogue; en descendant vers la maison, je croise un voisin qui a pour mission de prévenir les habitants d’obturer soigneusement toutes les fenêtres et de ne plus sortir de chez eux après le couvre-feu. Aussitôt rentrée, je me mets à la besogne. Assise dans le noir, je rumine, fume clope sur clope, je ne parviens  pas à bouger mon cul, j’attends que quelques chose se passe, il ne se passe rien. Le sommeil me gagne. Au réveil, pendant un instant je me dis qu’il fait encore noir, je me frotte les yeux et constate que de minces filets de clarté passent par les endroits mal obturés. J’ouvre grande la porte et me fais mon café que je prends sur la terrasse, je ne vois personne alentour à part mon voisin yéménite centenaire assis dans son jardin, il s’appelle Haïm! Il porte bien son nom. Souvent quand il m’aperçoit dans la montée, il ouvre son pagne en souriant, c’est encore un jeune homme; son fils aîné a quatre vingt ans et le benjamin en a cinq, il l’a eu avec sa dernière femme de cinquante ans sa cadette... Quelques uns de sa nombreuse progéniture habitent le village; Avram, l’aîné, est celui que je préfère, c’est un personnage hors du commun, les autres disent qu’il est simplet. Il habite une toute petite masure sur la place à deux pas de l’arrêt d’autobus, il ne possède rien à part son lit qui est constitué d’un amoncellement de matelas entre lesquels il range quelques objets et nourritures; été comme hiver, il porte sur lui tous ses vêtements, au moins cinq à six couches et quand on lui demande pourquoi il n’achète pas d’armoire, il répond qu’il n’en a pas besoin, qu’il est sa propre garde-robe! Son occupation préférée est de balayer la place du village. Le balai, il l’a fabriqué de ses mains avec quelques haillons ficelés autour d’un vieux manche. Personne ne lui demande de faire ce travail, il dit à qui veut bien l’entendre qu’il nettoie la nation... J’ai le privilège de le voir venir de temps à autre me rendre visite. Il me raconte alors tous les cancans qui circulent au village; on se marre bien!