vendredi 20 avril 2012

Je ne m'explique pas.. (153)

   Je ne m’explique pas ce qui chez cet inconnu me met dans un tel état, probablement sa timidité. Les timides ont toujours cet effet sur moi, ils m'aimantent. Je suis moi-même d’une grande timidité, ce qui n’arrange rien, chacun reste coincé dans son enfermement, attendant de l’autre un signe qui viendra rompre la tension. Cela fait un moment que nous sommes face à face, avec peu de mots. La tension, quoique délicieuse, augmente. Après force pétards, et pinard, j’avance lentement ma main, la pose sur la sienne abandonnée sur la table; à son tour il saisit la mienne, l’effleure de ses lèvres et dit:
   -Ceci est vraiment un instant exceptionnel!
  Il se lève, me serre contre lui, il tient à peine debout, nous chancelons. Je l’entraîne vers mon lit. Essayant dans un même temps de nous débarrasser de nos vêtements, nous nous heurtons à tout ce qui se trouve sur notre chemin. 
  Au petit matin, une soif terrible me réveille. Lentement, je recouvre mes esprits. Les détails de nos ébats me reviennent au compte gouttes. J’ai le souvenir qu’il s’est endormi un peu vite, me laissant sur ma faim, d’ailleurs il est toujours plongé dans un sommeil profond. Je me lève sans bruit, trébuche sur une chaussure et tombe sur le matelas posé à même le sol, réveillant mon bel amant qui sursaute et dit:
   -Mon dieu, que se passe-t-il? Où suis-je, qu’ai-je fait, quelle heure est-il? Il faut que j’aille travailler!
  -Calme-toi, tu t’es juste soûlé à mort hier soir et aujourd’hui c’est Noël, tu ne dois donc pas aller travailler, je suppose?
  -Oh, désolé, j’ai une de ces gueules de bois, je manque d'entraînement, je t’assure, cela  ne m’arrive que deux fois l’an! Viens, ne t’en vas pas déjà!
  -J’allais juste chercher de l’eau, j’arrive!
   Dehors, le vent souffle, le ciel est gris. Nous passons le reste de la matinée à baisouiller, à se raconter. Dehors n’existe plus.