mardi 11 janvier 2011

De sa voix rauque.. (11)

  De sa voix rauque de fumeur repenti, monsieur Latiff m'explique qu'il est ici depuis deux ans pour soigner ses problèmes respiratoires, que le climat de Jérusalem et la bonté des soeurs qui l'entourent lui font le plus grand bien, ce qui n'empêche pas Gilberte d’allumer une clope et de m’en offrir une, je lui propose d’aller se la griller dehors avec une jatte de café. On s’installe sous le passage voûté. Elle me dit: «Ce jardin, c’est mon domaine, j’y travaille depuis une dizaine d’années et la petite maison avec la grande terrasse là-bas au fond à gauche, c’est mon chez moi, les soeurs me l’ont octroyé en tant que demeure du jardinier»
   -Tu ne fais donc pas partie de la congrégation?
  -Je ne suis pas nonnette, tu dois t’en douter, mais j’ai beaucoup de respect pour les soeurs.
  Cette femme m’intrigue, elle se veut sûre d’elle, mais elle baisse les yeux et sourit dès que je la dévisage. Elle me pose plein de questions; je lui raconte quelques unes de mes péripéties récentes, entre autres que ce soir je commence un travail de serveuse dans un bar, elle éclate de rire et me dit que dorénavant elle m’appellera Nana. En fait, elle se fout gentiment de ma gueule. Gilberte se lève, «Il faut que j’y aille, salut mon petit, à bientôt». Je la regarde qui s’éloigne en direction d’un des nombreux potagers qui entourent le jardin d’agrément. La propriété est vaste et au-delà des murs, c’est le maquis avec des oliviers, amandiers, figuiers et grenadiers...
  Le soir venu, je prends le bus jusqu’au centre ville, de là je me dirige à pied vers le Key Bar. Je suis accueillie par Moussa qui m’explique en quelques mots ma tâche: «Tu devras toujours te tenir derrière le bar, jamais d’attouchements avec les clients, si ils t’offrent à boire, tu te verses discrètement un verre de cette bouteille qui contient du thé froid, je ne tolère pas que les filles boivent de l’alcool, de toute façon je suis présent la plupart du temps, et demain, tu t’habilleras un peu plus sexy, d’accord?» La longue bringue de l’autre soir est déjà en place, elle s’appelle Karen, c’est une danoise, je lui fais la bise et m’installe à ses côtés. En sourdine, Frank Sinatra chante Strangers in the night.
  Ma première soirée se passe sans grand éclat. Les quelques chalands sont venus pour ma collègue