vendredi 23 décembre 2011

Après avoir déposé Pam.. (141)

   Après avoir déposé Pam, je rentre chez Michaël, m’endors difficilement. Vers deux heures du mat, je suis réveillée par un brouhaha venant de la cuisine. A moitié éveillée, j’enfile mon yukata. Michaël est là, il n’est pas seul. Une grande fille blonde est debout devant l’évier, quelques poils de sa toison légère dépassent de son t-shirt. Chaque fois qu’elle porte la bouteille de bière à ses lèvres, son t-shirt remonte. La radio allumée -Thelma Houston s’époumone -don’t leave me this way... La fille me voit et dit:
   -Hé, Michaël, on a de la visite! Bonjour! Ah, tu dois être la locataire de Michaël, n’est-ce pas?
   Michaël se retourne, me lance un regard entre ses paupières à moitié fermées, il est pété,  d’ailleurs, il a un boulon entre les doigts. Il me fait signe de m'asseoir et dit:
    -Je te présente Julia, ma nouvelle copine. Tiens, tu veux tirer une taf?
  -Bonjour Julia, moi c’est Eliette, Eli si tu préfères, lui dis-je en inspirant profondément la fumée.
   Je suis immédiatement conquise par Julia, elle me sourit et me parle comme à une amie qu’elle aurait quittée la veille. Elle ne me pose aucune question, on discute du goût de l’herbe et de l’effet qu’elle procure. Michaël ne dit rien, mais il sourit béatement, ce qui dans son cas est une performance. Cette rencontre me fait du bien. En revenant de Malibu, j’étais angoissée. Je pensais qu’il n’y aurait personne ou tout au plus un Michaël de mauvais poil, me foutant à la porte, invoquant un prétexte quelconque! Je me voyais déjà installée sur un des bancs du Ocean front walk avec les clochards du coin. Vers quatre heures, je les quitte et m’endors sereine. 
   Je me réveille, il est déjà midi. Je retrouve Julia dans le salon, toujours en petite tenue, assise en tailleur sur le divan en train de jouer une partie d’échec avec Michaël. Je prépare du café pour tout le monde et m’assois dans un fauteuil en face d’eux. Julia me fascine, elle a une façon tellement personnelle de bouger, de regarder, de parler, enfin, je pense surtout qu’elle est totalement libre, c’est ça qui lui donne ce charme indéfinissable qui me botte tant. 

vendredi 16 décembre 2011

La tour a deux étages.. (140)

   La tour a deux étages. Au niveau du jardin, il y a un sauna avec une grande baie vitrée donnant sur la vallée; nous montons l’escalier en colimaçon qui mène à la bibliothèque. Les livres tapissent l'entièreté de la pièce circulaire. Au milieu, face à la grande fenêtre, se trouve un fauteuil en cuir noir et une table où s’entassent livres et magazines. Sans hésitation, Mike trouve le livre en question. Il me le passe et dit:
   -Dès que je t’ai vu, j’ai pensé aux sculptures de Gaston Lachaise, tu connais?
   -Non, jamais entendu parler!
  Je feuillette le livre, une vieille édition avec des photographies en noir et blanc d’oeuvres représentant en grande partie des sculptures de nus féminins aux formes excessives, des seins et des fesses immenses, des corps fantasmés. Je relève la tête et dit :
    -J’ai bien-sûr des rondeurs là où il faut, mais pas à ce point! 
    - J’espère ne pas t’avoir vexée? C’était un compliment!
   -Non, pas vexée, un peu surprise! Ceci dit, j’aime beaucoup ces sculptures, une vraie découverte!
   Je regarde autour de moi, et dis:
   -Quel endroit superbe, et quelle vue! Tiens, on voit même l’océan d’ici!
   -Oui, c’est ma tour d’ivoire, me dit-il en français.
   Je me dirige vers la fenêtre, regarde pendant un long moment le paysage. Je pourrais rester là pendant des jours à observer le moindre mouvement dans ce paysage qui pourtant semble immuable; Mike me tire de ma rêverie et suggère un sauna. 
  Je m’installe sur la banquette face à la baie vitrée. Ici, l’océan est moins visible, mais la vue tout aussi imprenable. Je poursuis mes songes.
  L’odeur entêtante de l’eucalyptus emplit l’air chaud, nous transpirons abondamment; Mike s’est rapproché de moi et essuie mon front avec délicatesse. Bien-sûr, c’était cousu de fil blanc, dès le premier regard, j’ai su qu’il me désirait. Je me dis que c’est Pam qui a tout manigancé et cela expliquerait aussi la disparition de la girlfriend soulagée de laisser le champ libre à son amant peut-être trop assidu. Mais peu importe! Je me laisse aller aux caresses de l’homme mûr. La chaleur est devenu suffocante. Je me lève, je ne tiens plus, il faut que je sorte. Mike me dit de le suivre. Nous montons jusque tout en haut sur le toit de la tour. Des éclats de rire entrecoupés de clapotis nous parviennent, on aperçoit les autres entre les cimes des résineux embaumant l’atmosphère. Nous nous allongeons sur les nattes disposées au sol, un parapet nous abrite des regards. Nous nous frottons l’un contre l’autre mêlant nos sueurs, je glisse, descends le long de ce grand corps, m’empare de son membre raide et luisant au grand jour, le dirige entre mes seins, sur mes joues, le suce, puis remonte pour le faire pénétrer lentement. Nous avons un orgasme fulgurant, quelques cris nous échappent, font fuir deux écureuils. Nous restons là inerte, savourons ce moment d’amnésie. C’est Mike qui brise le silence en disant:
   -Dommage, vraiment, je serais bien resté encore ici avec toi, mais il faut bien que je m’occupe un peu de mes invités! Nous descendons et prenons une douche rapide. Nous rejoignons les autres qui font semblant de rien, j’aperçois juste le sourire en coin de Ron... 

dimanche 11 décembre 2011

Le soleil est au zénith.. (139)

  Le soleil est au zénith, nous nous réfugions à l’intérieur, dans la cuisine. Mike dispose sur la table quelques plats avec des choses à grignoter et des boissons fraîches. L’autre invité s’appelle Ron, je le connais de vue, il vient parfois au resto de Dan, c’est un photographe. La fille assise en face de moi, Jane, sa compagne, n’a pas encore laissé entendre le son de sa voix, elle semble ailleurs, je crois qu’elle s’ennuie. Il n’y a que Mike et Ron qui parlent de leur travail réciproque. Mike propose de voir son dernier court métrage. Il fait descendre un écran installé au plafond d’une pièce jouxtant le séjour. Le projecteur est prêt à l’autre bout de la pièce, nous prenons place, la séance peut commencer! On voit une prairie baignant dans une douce lumière printanière, des chiens de chasse à longs poils roux courent dans les hautes herbes, surgit une jeune femme vêtue d’une robe légère, les chiens la suivent parmi les fleurs des champs. La caméra suit la meute guidée par la femme. Il n’y a pas de musique, seulement les chants d’oiseaux, les aboiements et les appels de rassemblement de la femme. La scène dure une bonne dizaine de minutes. Mike nous explique que certaines séquences ont été choisies pour une publicité; il attend nos appréciations. Je ne suis pas emballée, je ne veux pas faire de boniments. Les autres s’accordent à dire tout le bien qu’ils en pensent, je continue de me taire. Intrigué, Mike me regarde et dit:
   -Et qu’en penses-tu Eliette?
   Il m’intimide, je bafouille et finis par improviser:
  -Je trouve que c’est joyeux, frais, ça conviendrait parfaitement pour une pub de boisson gazeuse! 
   -Tu as tapé dans le mille, ça veut dire que mon message passe!
  -Evidemment, si tu n’avais rien précisé, je n’y aurais peut-être pas pensé!
  Mike me pose un de tas de questions, sur moi, ce que je fais et tout; il semble très intéressé et dit soudain:
  -Il faut absolument que je te montre un livre que j’ai dans ma bibliothèque au fond du jardin, viens!
   -Ah, c’est donc ça, la tour que j’ai aperçue?
   -Ce n’est pas seulement ça, tu vas voir!
Pendant qu’on se dirige vers la tour, Ron, Jane et Pam retournent au bord de la piscine.

vendredi 9 décembre 2011

En sortant de Venice.. (138)

 En sortant de Venice, nous empruntons le Pacific Coast Highway, ensuite, après une bonne demi-heure, Pam m’indique une sortie à droite, vers une route qui monte en zigzaguant; des effluves de maquis me montent au nez - pendant une seconde, je suis à Ein-Kerem. Tout en haut de la route, Pam me fait tourner à droite dans un sentier qui mène vers la propriété. Il y a ni barrière, ni clôture, juste une boîte aux lettres en fer blanc avec des initiales, M.M. Je me gare. Alentour, que des collines à perte de vue aux contours mal définis. Eparpillées dans le paysage, des villas émergent ci et là de la végétation. En contre-bas, j’aperçois un toit de verre sur lequel se promènent des paons. La maison, constituée de plusieurs grands volumes cubiques en bois et verre, est située à flanc de colline. Un peu plus loin, j’aperçois une piscine de forme longue et sinueuse. Au bout du terrain, en bordure du ravin, une tour en pierre surplombe une vaste vallée.  Entrant dans la maison, pas de hall, on arrive aussitôt dans une pièce qui semble être le séjour-cuisine avec le toit-verrière. Les paons sont maintenant au-dessus de nous, ils marchent tranquillement en bougeant leur tête par saccades. Il n’y a personne, tout le monde est dehors autour de la piscine. Ils sont quatre, deux hommes et deux femmes entièrement nus. Pam les embrasse, et fait les présentations. Aussitôt notre hôte, Mike, la cinquantaine, grand, bronzé, les cheveux blancs, longs, en bataille, style baroudeur, nous somme avec le sourire d’ôter nos fringues. Une des deux femmes se lève et nous conduit dans un vestiaire près de la piscine et dit:
   -Je suis désolée, mais je dois vous quitter, amusez-vous bien!
   Je questionne Pam:
   -Qui est-elle?
   -C’est la girlfriend de Mike!
   -Ah, bon, elle a au moins trente ans de moins que lui!
  -En effet! Je ne la connais pas très bien. A chaque fois que je viens chez eux, elle s’esquive... 
   Je n’ai qu’une envie, c’est de plonger dans l’eau azurée, rien de tel que de nager nue. Un peu intimidée par les regards de Mike et ses invités, je me jette à l’eau, suivie de Pam. Je barbote presque joyeuse dans ce bonheur qui n’est pas le mien.

vendredi 2 décembre 2011

Comme prévu.. (137)

Comme prévu, je retrouve Pam devant le resto, elle est assise sur un banc face à la terrasse; elle a laissé Darling à la maison, il a faim. Il lui faut des souris vivantes. Pour cela, Pam doit se rendre en ville, assez loin sur Hollywood boulevard, et compte sur moi pour l’y conduire. Je lui explique que je n’ai plus un sou, ni pour manger, encore moins pour l’essence. Pam m’interroge:
   -Pourquoi tu ne m’as rien dit?  
   -Mais on ne se connaît que depuis hier!
   -Bon, moi tu vois, je n’ai pas de soucis d’argent, je reçois une rente de mon père. Viens, on va faire le plein, acheter les souris et après on ira au Safeway pour remplir ton frigo.
    -Tu es sûre que cela ne te pose aucun problème? Je suis gênée!
   -Tu arrêtes d’être gênée, je t’assure que je suis contente de pouvoir t’aider! Allez, viens, on y va!
  Pendant le trajet, Pam me raconte que son père, homme d’affaire riche, d’origine iranienne, vit à Londres. Ses parents ont divorcé quand elle avait quatre ans, ce qui a fait d’elle une enfant unique, gâtée, ballottée de tout côté; elle n’a jamais connu la chaleur d’un foyer; de sa mère, elle ne parle pas. Nous arrivons au petshop. J’attends dans la voiture, je ne me fais pas à l’idée que l’on puisse acheter un animal. D’ailleurs, qu’est-ce que je fous là à attendre cette inconnue qui achète des souris pour son python. Pourquoi suis-je restée dans ce pays de merde, merci Zer! Je me dis que peut-être, c’est un peu trop facile de mettre toujours tout sur le dos des autres, personne ne m’oblige de rester, mais là n’est pas la question, je n’ai aucun but, je n’ai aucune ambition, il faut vraiment que je me prenne en main, sinon...Voilà Pam qui revient avec une boîte remplie de souris blanches, j’entends leurs petits cris de détresse, je ne dis rien. Pam est contente, Darling va pouvoir manger à sa faim, moi aussi!
    Pam me demande de l’accompagner demain à une party, chez une connaissance qui habite sur les hauteurs de Malibu:
   -Tu verras, c’est vraiment un lieu magnifique, il y a une belle piscine, d’ailleurs, tu n’as même pas besoin de prendre un maillot. Dès que l’on met les pieds chez Mike, tout le monde se déshabille, c’est la condition pour être reçu!
   -Ah bon, qu’à cela ne tienne! D’accord!
 -Je viendrai chez toi vers onze heures, sois prête! Maintenant je file, Darling doit s’impatienter...