vendredi 25 mars 2011

J'aperçois Gilberte.. (82)

   J’aperçois Gilberte qui arrive. Je vais enfin pouvoir terminer le déménagement et ôter l'échelle qui est dans le chemin.
  -Alors, comment vas-tu ce matin, tu as pu dormir un peu?, me demande-t-elle.
  -Oui, j’ai réussi à dormir quelques heures, je me sens d’attaque! Je te fais un café et après on s’y met, d’accord?
  -Ca me va! Et dis-moi, Zerah? Je suppose qu’il ne s’est pas pointé?
  -Non..
  -T’en fais pas, dès que les combats seront terminés, il reviendra!
  -Qu’est-ce qui te fait dire cela?
  -Il n’est pas réserviste, tu sais bien qu’ils n’ont pas voulu de lui, alors il se sent inutile et se cache quelque part pour se faire oublier...
  -Tu as probablement raison, je me demande ce qu’il peut bien faire!
  -Alors, là! Tu ne le sauras jamais, il t’inventera une de ses histoires à dormir debout! Allez, au boulot camarade! D’ici une heure tout sera à nouveau en place.
  Nous descendons les meubles en priant que cette foutue échelle ne nous lâche pas! On fait une pause, il ne reste plus grand-chose là-haut. Je regarde l’heure, en fait, deux heures que nous sommes occupées; on est fourbue, nos regards se croisent, on éclate de rire; nous nous faisons la même réflexion sur l’étrangeté de notre situation, on est là, en train de bouger des meubles pendant que des hommes se tirent dessus; pourtant, il y a longtemps que je ne me suis plus sentie aussi heureuse qu’en ce moment, j’aime être avec Gil, on se comprend à demi-mot, nos gestes s’accomplissent dans une totale harmonie. 
  Je réchauffe le potage auquel je n’ai pas encore touché. Gil mange avec grand appétit, elle ne cesse de répéter: «Que c’est bon, ah, que c’est bon!». Il me reste un fond de brandy que nous dégustons dehors. Je propose à Gil de passer la nuit ici, mais elle tient à rentrer avant le crépuscule, sa chienne Prégo étant malade, elle ne veut pas la laisser seule trop longtemps. Je la raccompagne jusqu’au bout du jardin, elle remonte les marches et se retourne de temps en temps pour me saluer de la main, elle disparaît à mi-chemin, happée par le tournant...