jeudi 17 février 2011

A peine la porte fermée.. (47)

  A peine la porte refermée, il m’enlace, m’embrasse et dans un murmure à peine audible dit qu’il m’a désirée dès l’instant où il m’a vue.
  Après l'exaltation, allongés dans la pénombre, les bruits de la rue nous parviennent par un soupirail situé au-dessus du lit; on entend des pas, parfois sonores et pressés; on distingue ceux des femmes à la résonance des talons. Des cris d’enfants, des bribes de phrases, instants de vies. Une voix attire mon attention, celle d’une femme qui descend les escaliers et sort de l’immeuble en fredonnant un air bientôt englouti par les clameurs de la ville. Quelques instants plus tard, je l’entends à nouveau, mais cette fois une voix d’enfant l’accompagne, chantant la même rengaine. Cherif me regarde et sourit, lui aussi a entendu. Il saisit ma main, la pose sur mon sexe, puis, se branle, cela m’excite beaucoup, je me caresse avec frénésie en regardant son érection...
  Nous nous quittons tard dans la soirée; promesses de se revoir, oui, peut-être, on verra. 
  Depuis un certain temps, je suis plus calme. Il m’arrive de passer des journées entières sans parler à personne et de réfléchir à la vie que je mène (prendre un crayon ne m’est plus venu à l’esprit); pourtant, je connais bien le plaisir que je peux éprouver en travaillant, cet oubli de soi, assez semblable à la baise...

Je me rends ponctuellement.. (46)

  Je me rends ponctuellement à la prison, évidemment, j’en reviens toujours bouleversée, mais très vite, je reprends le dessus. Les jours filent non pas dans la résignation, mais plutôt dans une euphorie mal perçue par certains. Ce n’est pas parce que Zer est puni que je devrais l’être également, après tout, je n’ai rien à me reprocher à part mes inconstances qui à mes yeux ne sont pas des trahisons, mais simples débordements...
  Je me sens esseulée aujourd’hui. Besoin de voir du monde. Je décide d’aller faire un tour en ville. Je me promène un peu perdue dans les rues grouillantes. Je passe devant un des rares bistrots refuge des marginaux de cette ville. Je reconnais la belle gueule de Sam, un ami belge de Gilberte, avec lequel elle était venue me rendre visite, il y a quelque temps. On avait passé un bon moment. Je lui dis bonjour de loin; il m’a reconnue, se lève pour m’embrasser et me présente à l’homme avec qui il bavarde.
  -Viens t’asseoir avec nous. Que veux-tu boire?
 -Mais je ne faisais que passer. Je ne voudrais pas déranger. Vous étiez en grande discussion!
  Tu ne nous déranges absolument pas, n’est-ce pas Cherif? Nous étions en train de parler boulot, Cherif est assistant réalisateur.
  Sam me demande des nouvelles de Gilberte. Je lui réponds ne pas la voir beaucoup ces temps-ci; je lui raconte en bref l’incarcération de Zer. Il me dit en souriant que je devrais aller voir un psy. Il trouve que je suis un peu timbrée d’accepter une telle situation. Sam me donne son adresse à Jérusalem, au cas où j’aurais envie de parler; il partage un appartement avec une amie, également cinéaste. Il se lève, il doit partir et me laisse aux bons soins de Cherif. Je promets de passer bientôt. Cherif n’a pas l’air pressé. Il m’invite à boire un autre café glacé. Sans intervenir, il nous a écouté avec beaucoup d’attention; maintenant, c’est lui qui me pose un tas de questions sur mes goûts cinématographiques, entre autre. Il finit par parler de lui, de sa vie en tant que citoyen israélien d’origine palestinienne. C’est quelqu’un de calme, parlant doucement, ni beau, ni laid, mais pourvu de charme. Au bout d’une heure, j’ai envie de me dérouiller les jambes et propose à Cherif de m’accompagner jusqu’à l’arrêt du bus. Il me demande si ce sont toutes ses questions qui me font fuir; je lui dis qu’au contraire, j’ai passé un moment très agréable, et qu’en fait, je n’ai pas du tout envie de le quitter. Nous marchons en silence pendant un moment, puis il s’arrête et me demande si je veux venir chez lui. Il habite un modeste sous-sol à quelques pas d’ici...