lundi 7 janvier 2013

Une vingtaine de minutes plus tard... (169)


    Une vingtaine de minutes plus tard, le véhicule s’immobilise. Je  suis restée prostrée tout au long du trajet, pas eu un regard vers l'extérieur. Ne sais pas où je suis, d’ailleurs, je ne sais plus rien à part ma détresse. Un flic m’ordonne de descendre, m’emmène vers une sorte de hangar. On me pousse à l’intérieur. Je ne suis plus seule. Il y a là une centaine d’individus parqués dans deux espaces séparés par de hauts grillages, d’un côté les hommes, de l’autre les femmes. La plupart sont mexicains, jeunes et très bruyants.  Je ne parviens pas à comprendre ce qui m’arrive, ce qui leur arrive. La panique me hante, j’essaie de ne pas la laisser s’insinuer. Rester calme, attendre. Cette situation abjecte ne peut durer très longtemps, trop indigne de ce grand pays. Pourtant, personne ne semble révolté, ils ont l’air de trouver tout cela normal. Très vite, je suis repérée par un homme qui grimpe au grillage. Parvenu à mis hauteur, il m'interpelle dans un baragouin hispano-anglais. Par des gestes obscènes, l'homme me fait comprendre que je lui plais, ce qui provoque l’hilarité générale, les clameurs vont crescendo. Je reste assise à même le sol en béton. Les femmes me regardent avec curiosité, elles voient bien que je ne suis pas l’une des leurs. L’atmosphère est lourde, l’air circule à peine, aucune fenêtre, l’espace est sombre. Ca pue, ça sent le fauve. Les chiottes sont plantées dans le fond, de simples cabines en bois léger sans toit. J’ai la nausée. De temps en temps un garde fait une ronde en frottant sa matraque contre le grillage, ce qui a pour effet de diminuer les clameurs un court instant. Les heures passent sans que personne ne vienne nous délivrer. J’ai une faim de loup, je dévorerais n’importe quoi, quand enfin, résonne un bruit de chariots métalliques. Tout le monde se jette vers le grillage, je reste en retrait et attends. Petit à petit chacune revient tenant une barquette en alu dans laquelle est servi un repas accompagné d’un grand gobelet rempli de coca. Je me lève et avance dans la cohue. Je ne sais pas si c’est la faim, mais le repas composé de deux enchiladas garnies, recouvertes d’une sauce épaisse de fromage grillé est un véritable délice, je me les engouffre en un rien de temps, bois le coca et finis par m'assoupir. Je me réveille en sursaut. Un haut-parleur énonce des noms, quelques femmes se dirigent vers la sortie, passent une à une de l'autre côté du grillage. Mon nom est prononcé, je me précipite avec quelques autres à l’avant. Une femme flic est assise à une table encombrée de piles de dossiers, sorte de bureau improvisé à la porte du hangar, elle me dit de m'asseoir et de répondre par oui ou par non à ses questions. Toujours les mêmes questions auxquelles je réponds pour la troisième fois. Puis, elle termine un petit laïus en disant: 
  -Maintenant, vous allez rejoindre le groupe de femmes là-bas à gauche, vous serez conduite en car jusqu’à un couvent du centre ville, vous y passerez la nuit et demain dans la matinée, on vous emmènera à l’aéroport où on vous mettra dans un avion, direction case départ!
  Je veux ajouter un mot, mais elle me fait non de la tête et m’indique la file, d’ailleurs je ne sais même ce que j’aurais pu lui dire ou lui demander.