samedi 18 février 2012

Tout se passe trop vite.. (147)

   Tout se passe trop vite, le déménagement imprévu me plonge dans l’incertitude. Vais-je gagner assez pour payer les loyers futurs. Il y a aussi la question du permis de séjour qui me turlupine. De toute façon, j’ai encore un mois et demi de bon. Au boulot, la plupart des gens sont dans la même situation, ils n’ont pas l’air de s’en faire plus que ça! Je prends une douche rapide, me pomponne. Un peu angoissée à l’idée de rencontrer des inconnus, j’avale une pilule qu’un «collègue» m’a refilée l’autre jour, un truc supposé donner la pêche. Je me rends chez Don qui me présente à ses amis, trois garçons et deux filles, je reconnais l’une d’elles, c’est la voisine d’en face, Rita. Je me sens un peu perdue dans cette assemblée; les garçons parlent du moteur de la Lincoln Continental que Don a démonté; les filles ne se disent rien, moi je bois du vin. Don annonce que le chili est prêt, et dépose la casserole sur la table -pas de chichis, chacun puise à sa guise. Ce n’est pas mon plat préféré, mais le trouve assez réussi, et puis, je n’ai pas à faire la fine bouche, les invitations se font rares. Le vin aidant je me décontracte. Après le repas, un des invités prépare un boulon avec une herbe maison, qui, à ses dires est super bonne. A moi l’honneur de tirer la première. Après quelques bouffées, je deviens euphorique et en oublie de faire passer le joint. Je me fais houspiller gentiment. Je me sens à l’étroit dans la petite cuisine, me lève, sors prendre l’air doux du soir. Je passe de l’euphorie à un état d’angoisse, je me dis que ce sont les mélanges, l’herbe, le mauvais vin, et surtout, j’allais oublier, ce machin avalé avant de venir. J’ai la tête dans un étau, un besoin de m’allonger, file en douce dans la chambre de Don, me couche sur son lit et somnole, m’endors presque quand soudain j’entends des chuchotements. C’est Don, il dit à Rita -Désolé, mais je crois que la place est déjà prise! Rita répond -Pas grave, elle m’a devancée, ce n’est que partie remise! J’essaye de dire quelque chose, mais bredouille, gémis des mots incompréhensibles. Don s’allonge près de moi. Sa présence me réconforte, je suis désemparée, je vais mourir, j’en suis sûre. Don me serre contre lui, me berce, me parle avec douceur comme à un enfant qui a peur du noir. Je suis secouée de tremblements. Mon coeur s’emballe. Je secoue la tête tandis que mes jambes se raidissent puis mes bras, mes mains qui se tordent, je veux crier mais aucun son ne sort de ma gorge. Il me semble que cela n’en finit pas. Après combien de temps, je ne sais pas, je lâche prise, accepte l’idée de mourir. Petit à petit l’angoisse s’éloigne faisant place à un apaisement qui m’envahit lentement. Malgré mon épuisement, je me débarrasse de ma robe. Sentir ma peau contre la sienne, besoin d’être caressée, consolée. J’ai une furieuse envie de me sentir vivante.