vendredi 12 août 2011

J'ai à peine eu le temps.. (119)

   J’ai à peine eu le temps de faire le tour de l’horizon du regard quand Zer redémarre faisant semblant de m’abandonner, je n’ai pas peur une seconde sur les quelques minutes que dure sa blague de potache! Une heure plus tard, nous nous approchons de Las Vegas. Dans le lointain, des taches sombres et brillantes surgissent du sable aux reflets ocrés par les derniers rayons. Nous empruntons le boulevard principal bordé de parkings, casinos, hôtels restaurants et de quelques palaces démesurés. Tout est concentré autour de cette artère. Quand on s’éloigne du clinquant décor, que l’on s’aventure dans les rues perpendiculaires, un autre monde se déploie, nous nous y arrêtons pour chercher un hôtel de quatrième zone, là où logent les ouvriers, les perdants, où fleurissent les innombrables pawn shop ravitaillés jours et nuit par les victimes de la ville de toutes les perditions.  Le choix n’est pas difficile, l'hôtel le plus minable est encore du grand luxe à nos yeux! On y trouve des slot machine partout, jusque dans les chiottes! Après une douche rapide, on décide d’aller manger un bout et de jouer nos derniers sous, c’est à dire, une cinquantaine de dollars chacun. Je sens Zer tout excité, il attend ce moment depuis le début de notre escapade, j’avoue que moi aussi ça me met dans un drôle d’état, je suis curieuse de savoir si j’ai ou non la baraka! Nous jetons notre dévolu sur le Lady Luck, moins frime, plus confidentiel et puis surtout pas besoin d’être habillé pour y être admis. Dès l’entrée on est harponné par une hôtesse habillée d’un maillot noir constellé de paillettes, les jambes gainées de bas résilles, perchées comme il se doit sur des talons hauts. Elle propose un tas de choses auquel je ne comprends que dalle, je la remercie et dis: -Nous allons d’abord boire un verre au bar. Autour de nous, des rangées de machines à sous tintinnabulantes, quelques-unes déversent tout à coup des flots d’argent se répandant sur l’épaisse moquette -gens hilares -jack-pot! Plus loin, l’atmosphère est pesante, la tension tangible aux tables où s’entassent de nombreux joueurs autour des roulettes. Nous buvons un whisky pour nous donner du courage, on décide d’aller chacun son côté et de se retrouver ici dans une heure pour faire le point. Ne connaissant pas les règles de la roulette, je me cantonne au bandit manchot. Je vais à une caisse pour convertir mon billet en monnaies, puis m’installe sur le tabouret face à la machine, introduis ma pièce et tire sur le manche. Rien! Je recommence, toujours rien! La moitié de mes pièces y passent quand soudain, trois citrons apparaissent sur les rouleaux derrière la petite fenêtre, ce n’est pas le jack-pot, mais la machine vomit un ruisselet de pièces, je ne me donne pas la peine de les compter et continue de jouer gonflée à fond par cette première victoire. Je ne sais pas depuis combien de temps je répète les mêmes gestes. Gagnant, puis perdant tour à tour, je finis par me lasser quand je vois arriver Zer qui tire sur ses poches de jeans retournées! En quelques mises, il a tout perdu à la roulette. Comme il me reste un peu de fric, je décide d’arrêter. Dehors, la ville de néon scintille de tous ses feux; nous flânons encore un moment dans douceur nocturne.