samedi 2 avril 2011

Pendant ce temps.. (86)

  Pendant ce temps, la baignoire a débordé; l’eau rampe lentement de la salle de bain dans le couloir en direction de la porte d’entrée. Je me précipite pour fermer le robinet. Je trouve raclette, seau et serpillières dans la cuisine et me mets au travail. Heureusement l’eau n’a pas atteint le séjour où il y a des tapis. L’assèchement m’occupe pendant un bon moment et m’empêche de penser, je me rends compte de l’absurdité de la situation. La besogne terminée, je vais enfin pouvoir prendre ce bain, j’ai beau tourner le robinet à fond, je constate que le débit est très faible et de surcroît s’arrête; mon oubli a vidé la chaudière solaire qui se trouve sur le toit. Résignée, je me couche sur le canapé du salon et allume une cigarette. Je ressasse la même question, qu’est ce qui me retient auprès de Zer. Je n’ai pas de réponse, je me sens incapable de prendre la moindre décision; mon inertie est peut-être due à un sortilège, qui sait... Je finis par m’endormir. Je me réveille en sueur, j’ai fait un cauchemar: je me trouve dans une école abandonnée. Je fais le tour de la cour, j’entre dans un espace où sont alignées des portes que j’ouvre une à une, derrière chacune d’elles se trouvent des cuvettes de w.c. miniatures. Etonnée, je ressors par une autre porte et me retrouve dans une grande pièce couverte jadis d’une verrière, dont ne subsiste que le squelette métallique. J’avance avec précaution au milieu des bris de verre et me dirige vers une grande salle de classe; là, j’aperçois au centre de la pièce vide, un homme assis à un pupitre, je vais jusqu’à l’estrade devant le tableau noir pour voir son visage. Je ne connais pas cet homme. Couteau et fourchette en main, il s’apprête à manger. Sur l’assiette posée devant lui se trouve une tête hirsute. Je reste interdite, c’est la tête de Zer. Le coeur battant, je m’encours à toute vitesse.

Deux jours plus tard.. (85)

  Deux jours plus tard, Zer revient sans un mot d’explication; j’ai l’impression que l’on rejoue sans cesse la même scène. Je ne sais pas ce qu’il fait ni où il va quand il part sans rien dire. Je ne suis pas jalouse de nature. Parfois, Zer provoque sciemment ma jalousie, il a une façon de se comporter qui m’exclut totalement; il prend un plaisir pervers à ce jeu, il mesure ma résistance; après, si je n’ai pas fléchi, il est fier de moi et me récompense. Il parvient à me faire croire que je suis une petite fille capricieuse qui ne veut pas partager ses jouets. Ces derniers jours, Zer me fait peur, je décide d’aller dormir dans la maison de Tsipi, une connaissance qui habite le village; je lui avais fait quelques confidences sur ma relation avec Zer; avant de partir en voyage, elle m’a confié les clefs au cas où j’aurais envie d’être seule, et aussi pour nourrir le chat. Le soir venu, je pars sans rien dire à Zer. La maison est grande et remplie de sculptures qui pour la plupart sont d’un mari dont elle est séparée. Tsipi, la cinquantaine, est encore une belle femme, un peu dingue, elle parle sans arrêt, mais je l’aime bien.
  Avant d’aller me coucher, je me fais couler un bain, quand soudain, une voiture s’arrête devant la maison. Au bruit du moteur, je devine que c’est Zer; Il n’a pas mis longtemps à me trouver. Il tambourine sur la porte que j’ai eu soin de fermer à double tour; il gueule que si je n’ouvre pas, il va la défoncer. Je lui crie de se calmer, de me donner cinq minutes pour enfiler un vêtement, que je suis à poil. Je me décide d’ouvrir, je ne voudrais pas qu’il fracasse la porte - il en est tout à fait capable. Zer est survolté, il éructe des discours que je connais par coeur. J’ai appris à ne plus réagir, à laisser passer la tempête. Je sais qu’après avoir déversé son trop-plein, il se calme. C’est à peu près ce qui se passe, sauf que cette fois, il s’empare des clefs et m’enferme. Il y a partout des grilles aux fenêtres, pas moyen de s’échapper, et, manque de bol, le téléphone est en panne, Tsipi m’avait demandé d’être là quand le technicien passerait. Je suis séquestrée...