jeudi 5 avril 2012

On entend à peine.. (151)

  On entend à peine le ronronnement du puissant moteur; c’est comme si on était à bord d’un paquebot, une sensation de glisser sur la route qui s’ouvre devant nous. On quitte la freeway. Don nous emmène vers Mulholland Drive. Le soir tombe au moment d’atteindre le sommet d’une des nombreuses collines de Hollywood. Don arrête la voiture. La ville scintillante s’étend à l’infini; nous fumons quelques joints et restons muets devant le spectacle. On ne reste pas indifférent à la vue de cette immensité qui nous réduit à rien. Il fait étonnamment calme, le soir est doux, je retrouve des senteurs de garrigue et entends ici et là de petits bruits familiers qui aussitôt me transportent au couvent, les soirées avec Gilberte sur le Kon-Tiki, les promenades du soir avec Zer. Comme c’est étrange la mémoire des sens. Je suis envahie de nostalgie et à chaque fois, je me pose la question, pourquoi suis-je ici, je m’obstine à ne pas trouver de réponse, ici ou ailleurs, quelle importance. Un petit rire de Yaël me tire de mes pensées, elle me sourit et dit:
   -Tu étais partie très loin, j’ai vu une ombre de tristesse passer dans ton regard, tu te sens bien?
  -Oui, ça va, j’étais là-bas, ça m’arrive de temps en temps, désolée, voilà, je suis à nouveau avec vous! 
   Nous restons encore un long moment à fumer et à contempler la cité des anges déchus.
   De retour au parking lot, j’aperçois un homme qui sort du vieux camion. Grand, mince, il s’en va d’un pas pressé, je n’ai pas le temps de voir son visage. Je quitte à regret mes amis, il se fait tard, plus que quelques heures avant de retourner au boulot.