lundi 2 janvier 2012

Les jours suivants...(142)

   Les jours suivants, je me la coule douce, je passe mon temps avec mes nouvelles amies. Je vois Pam régulièrement, elle m’invite à manger ou apporte des plats de chez le traiteur chinois. Le soir, je vais souvent au Venice Fox, le seul cinéma où l’on peut voir autre chose que des productions hollywoodiennes. J’y retrouve parfois Julia quand Michaël ne l’accapare pas. L’autre soir, elle était là, nous sommes rentrées ensemble. Nous avons parlé toute la nuit en fumant des joints, tout y passait en de longues digressions très intenses...Je me souviens qu’elle m’a dit que sa grande passion c’était les chevaux, que bientôt elle retournerait vivre dans le ranch auprès de son vieux père. Puis on a parlé de Michaël. Il s’est trouvé sur son chemin, c’est tout. Par contre elle m’a fait sous-entendre qu’il était bleu de moi, mais que c’est un grand timide. J’aurais voulu lui dire que c’est elle que j’aime, que moi aussi je suis timide, mais je n’ai pas osé... Le lendemain, pas de Julia, elle a disparu, je la cherche partout désespérément. Je croise Michaël, il m’apprend qu’elle est partie voir son père souffrant, qu’elle reviendra à la fin de la semaine. Une semaine, c’est long, elle me manque déjà. L’après-midi, je traîne à la terrasse du resto dans l’espoir d’avoir du travail, mais Dan n’a pas besoin de renfort en ce moment. Je sirote mon café. A la table voisine, un couple s’assoit, la fille s’adresse en hébreu à l’homme, lui demande s’il ne préfère pas se mettre au soleil, le type lui répond qu’elle sait bien qu’il est un homme de l’ombre... Je ne peux réprimer un petit rire, ils me regardent et me saluent. On fait connaissance. Yaël et Zev sont de Jérusalem. On se rend vite compte que nous avons des connaissances communes. De fil en aiguille, je leur raconte ma situation. Yaël a déjà entendu parler de Zerah -Jérusalem est un village! D’après Yaël, il y a beaucoup d’israéliens à L.A. Dès demain, elle me présentera un type chez qui Zev a travaillé pendant un moment, il a une boîte de vente par téléphone, et recrute plein de gens, pas besoin d’être diplômé, ni d’avoir la carte de séjour... On se donne rendez-vous, elle viendra me chercher dans la matinée, vers dix heures.
   Yaël est une fille curieuse, je veux dire, peu commune, je la trouve plutôt jolie, les cheveux courts blonds foncés, elle n’est pas grande mais fine. Elle regarde les gens droits dans les yeux quand elle leur parle de sa voix à peine audible. Après avoir fait son service militaire obligatoire, elle a choisit de partir avec Zev voir l’Amérique. Zev veut devenir cinéaste, c’est pour ça qu’ils ont atterri ici. Il est déjà dix heures et demie, toujours pas de Yaël en vue. Je descends et l’attends devant la porte. Le voisin du dessous sort et me fait un grand sourire et dit:
    -Ton amoureux t’a posé un lapin?
    -Non, je n’ai pas d’amoureux, j’attends une copine!
   -Tu n’as pas d’amoureux, c’est bon à savoir! me dit-il en en se dirigeant vers le parking où il est en train de démonter un moteur.
   J’aime bien Don, c’est un type très doux malgré son physique de lutteur, les mains éternellement noires de cambouis. Sur ce, une voiture s’engage dans le parking, une coupée à lunette arrière immense et oblique, c’est une Plymouth Barracuda grise, une véritable pièce de collection. A peine visible, derrière son volant, Yaël me fait signe de monter. Don suit la voiture du regard, il n’en revient pas, il lève son pouce à notre passage. Je dis à Yaël qu’elle en jette avec sa bagnole, elle répond qu’elle est à Zev, qu’il en n’a rien à cirer, c’est juste une voiture d’occasion. Yaël conduit la Barracuda avec flegme jusqu’au fin fond de Hollywood. La boîte se trouve dans un building, au treizième étage. Je m’étais pourtant juré de ne plus mettre les pieds dans un de ces foutus ascenseurs...