mercredi 5 janvier 2011

A la fin de (4)

A la fin de mes études aux Beaux-Arts, je devais avoir dix-huit ans, mes parents m’offrirent un voyage pour parfaire mes études de dessin et peinture, mais à la condition que j’aille en Israël. J’acceptai. Pour moi, que ce fut là ou ailleurs n’avait aucune importance, du moment que ce soit loin de ma famille.
 Je pars donc pour la Terre Promise. Je m’inscris à l’école Bezalel de Jérusalem, et me trouve une chambre dans un hôtel miteux à l’entrée de la vieille ville, à la Porte de Jaffa. L’Impérial est un vieux palace qui n’a d’impérial que son nom et la démesure de la chambre avec son lit king size, et salle d’eau dont la baignoire est assez grande pour deux. D’épaisses tentures d’une couleur incertaine plongent la pièce dans une pénombre théâtrale; des particules de poussières flottent dans les rais de lumières; les clameurs de la rue me parviennent étouffées; enfouie sous le couvre-lit, je frissonne de tout mon corps, je suis malade, seule, dans cette ville de fous. A part quelques hippies rencontrés, la veille dans le hall, je ne connais personne. Après quelques heures d’un sommeil agité, je me lève péniblement. La nuit tombe sur la cité, il faut que j’aille à la recherche d’une pharmacie encore ouverte. Dehors, le flot humain qui dérive vers les ruelles étroites du souk, me happe; la chaleur est suffocante, sans parler des odeurs qui m’assaillent, augmentant ma nausée, je tiens à peine debout, me débattant pour remonter le courant de cette foule agitée, j’arrive enfin à me dégager et me retrouve épuisée à l’extérieur des murs. Je marche lentement vers l’autre partie de la ville, traversant un no man’s land, une des multiples traces de la guerre, plaie béante, terrain vague entre deux mondes. Je finis par trouver une officine de l’autre côté de la rue. Soudain, j’entends quelqu’un crier mon nom, surprise, je me retourne et reconnais la silhouette de Jacob, un ami de Bruxelles. Je me jette dans ses bras, heureuse de voir ce visage familier.
 -Que fais-tu ici Jacob? on peut dire que c’est la Providence qui t’as mis sur ma route, j’ai chopé une saloperie, je n’en peux plus..
 -Je viens d’arriver, je suis venu pour jouer dans un téléfilm. J’incarne Jésus, on commence dans deux jours, en attendant, je m’occuperai de toi, tu loges où?
 Nous voilà en route vers mon hôtel; je connais Jacob depuis un an environ, je suis tombée sous le charme de ce barjo génial dès le premier regard, nous couchons ensemble occasionnellement, je ne me suis pas trop attachée, c’est un séducteur invétéré. Le lendemain, je me sens beaucoup mieux, la fièvre est tombée, Jacob suggère de m’emmener dans un endroit extraordinaire, un havre de paix et de verdure.  
 -Tu vas te sentir bien là-bas, j’y ai réservé une chambre, tu pourras rester avec moi le temps du tournage, après je dois rentrer à Bruxelles.