dimanche 27 novembre 2011

Depuis environ une semaine.. (136)

 Depuis environ une semaine, je n’ai plus vu Michaël une seule fois, j’ai l’impression qu’il m’évite pour quelques obscures raisons, à vrai dire, je ne sais pas ce qui se passe; je décide d’aller faire un tour au resto, peut-être que Dan a du boulot pour moi. Je suis de nouveau à sec, mais Dan vient d’embaucher deux nouvelles serveuses, ça marche du tonnerre, la terrasse ne désemplit pas. En quête d’une place, je vois une fille portant un énorme serpent autour du cou, on se dirige en même temps vers la seule table inoccupée, elle me demande si elle peut s'asseoir avec moi. Son nom est Pamela, et son compagnon s’appelle Darling, un python royal de deux ans; il se déplace lentement sur les épaules de sa maîtresse qui lui susurre des mots doux. Je demande la permission de le toucher, Pam me dit qu’il adore les caresses! Je passe ma main doucement sur l’animal. A mon avis, il s’en fout complètement; moi, il ne m’émeut guère. Pourtant c’est la première fois que je touche un serpent. Par contre, Pam m’intrigue, ni belle ni laide, elle a un regard d’une tristesse infinie. Nous bavardons, on se raconte. On branche. Nous nous reverrons demain, on se donne rendez-vous face au resto, même heure. Il est encore tôt, je marche droit devant moi, sans but dans la fixité morne du beau temps. Je me demande comment je vais trouver ma pitance. Depuis un certain temps, j’ai l’impression d’être suivie. Prise de curiosité, je me retourne, face à moi, un homme jeune, torse nu, noir ébène, taillé comme un athlète. Il me dit:
   -Je veux te baiser.
    Sans réfléchir, je m’entends répondre:
   -D’accord, mais ça te coûtera trente dollars.
   -Ok, je connais un endroit, viens.
  Je me laisse guider par l’inconnu à la dégaine légère et dansante. Pendant une fraction de seconde, je me dis que c’est insensé, mais déjà, je me retrouve dans une chambre d’un motel miteux. Je me déshabille, cache les trente dollars sous mes vêtements. Je m’allonge sur le lit, l’homme me rejoint aussitôt et sans perdre de temps, se met en besogne, dégoulinant de sueur. Sa queue est dure comme une batte de baseball; il me dit que je suis aussi bonne qu’une fille noire; je me laisse faire, j’ai même un orgasme. Lorsqu’il semble apaisé, je saute hors du lit et me dirige vers la douche. Lui, continue à se tripoter la verge encore raide tout en me parlant, mais le bruit de l’eau couvre ses paroles et m’éloigne de la réalité. Enfin requinquée, je sors de la cabine les cheveux ruisselants. La piaule est vide, il a disparu, envolé avec mon fric!
 J’explose de rage. Mais quelle conne! Désespérée, je marche pendant des heures. De retour à l’appart, j’appelle Michaël. Pas de réponse, il est encore absent. Je crève de faim, le frigo est vide, tout ce que je trouve au fond d’un tiroir, c’est un quélude, de quoi tromper la faim pendant un moment.

mercredi 23 novembre 2011

Surgissant de nulle part.. (135)

   Surgissant de nulle part, d'innombrables piétons convergent vers le point névralgique. Encombrés de bagages, de boîtes en carton, d’enfants à la traîne, ils vont et viennent par les étroits passages grillagés longeant les files de voitures. Nous avançons lentement. Un douanier nous fait signe - vérification sommaire, puis, d’un geste théâtral,  pointe un doigt vers la barrière qui se soulève. D’un instant à l’autre, tout est différent, scabreux et chaotique. Traversant des nuages de poussière, Michaël peste en évitant nids de poule, chiens errants, carcasses de voiture abandonnées. Nous arrivons au centre; excédé, le visage rouge, transpirant à grosses gouttes, Michaël s’arrête. Les rues ressemblent à des torrents asséchés, les maisons en construction ou plutôt inachevées hérissent leurs fers à béton comme autant de suppliques vers le ciel - petite ressemblance avec quelques villages de Cisjordanie - flash back. Des enfants en guenille courent, jouent dans la crasse et la poussière. De très jeunes prostituées assises devant les cantinas font de l’oeil à Michaël qui passe sans les voir. Je ne m’attendais pas à un tel contraste, tant de dénuement à deux pas de l’opulence américaine. Michaël semble bien connaître la ville et m'emmène, toujours sans un mot, vers une espèce de fast-food mexicain. Ca tombe bien, je crève la dalle. Nous mangeons quelques burritos et buvons nos bières en silence. Le patron augmente le volume de son transistor crachotant une complainte mariachi, tandis qu’au fond de la salle, des hommes aux regards sombres se querellent. Michaël se tait obstinément, il me pousse à bout, je ne supporte plus son tirage de gueule, et lui dis:
  -Je te remercie pour tout, mais pour l’amour du ciel arrête de faire cette tête, n’oublie pas que je ne t’ai rien demandé, c’est toi qui m’as proposé ce voyage.
  -Mais de quoi tu parles, je vais très bien, c’est simplement le speed, tu n’y es pour rien, d’ailleurs pourquoi te sens-tu responsable de mon humeur, je ne te comprends pas!
  -Moi non plus je ne te comprends pas, t’es vraiment un drôle de gars!
Michaël regarde sa montre et dit:
  -Si tu veux, on a encore le temps de se promener avant le retour, il y a un tas de magasins de souvenirs,  je t’offre une babiole pour me faire pardonner!
   Deux rues plus loin, nous entrons dans une espèce d’entrepôt. Des sculptures y sont rangées par ordre de grandeur, de la miniature au monumental, toutes en terre cuite, copies de statues précolombiennes. Mon choix se porte sur une réplique représentant une femme accouchant, en position assise. En sortant, j’émets le désir de marcher encore un peu, d’aller au-delà de cette ville improvisée, mais Michaël dit que ce ne serait pas prudent et que de toute façon, il n’y a rien à voir, à part la misère. Et puis, il faut penser à rentrer, la route est longue... Peu avant la frontière, Michaël me demande de lui passer mon passeport, de le laisser faire, et de ne surtout pas intervenir, je suis supposée ignorer l’anglais. Je ne demande pas mieux, je n’aime pas toutes ces formalités. Michaël remet nos papiers au douanier qui lui pose quelques questions de routine, l’homme nous fait signe de se garer sur le bas côté en attendant les vérifications d’usage. Je questionne Michaël du regard, il me dit que tout est normal, qu’il n’y aura aucun problème, que je stresse pour rien. Après une demi-heure, l’homme revient, nous remet les documents en me souhaitant un bon séjour. Michaël sourit enfin et redémarre. Il y a un beau tampon dans mon passeport, sursis de trois mois pour de nouvelles aventures!