mardi 22 février 2011

Quel atroce bonhomme.. (52)

  Quel atroce bonhomme, me dis-je. Il n’y a que mes vieux pour faire confiance à ce genre d’individu. Mais que faire maintenant, y aller, ne pas y aller. Je sais la raison de leur venue inopinée; depuis des mois, peut-être même un an que je ne leur ai plus donné signe de vie! Je fume clope sur clope, n’arrivant pas à me décider sur l’attitude à prendre, soudain la sonnerie du téléphone retentit; je me précipite et décroche; j’entends la voix de mon père qui d’un ton sec et froid me dit:
  -Comme tu le sais déjà, nous sommes chez le révérend, qu’as-tu décidé?
  -Je vous attends, je ne mettrai pas les pieds chez ce hollandais!
  -Je vais en parler à ta mère à qui tu fais beaucoup de peine, tu sais!
  -Ca va papa, ne commence pas!
  Je les entends palabrer pendant un moment. Finalement mon père me dit:
 -Ta mère et moi sommes d’accord de venir, mais il faudra que tu nous expliques ta conduite indigne!
  -Oui papa, je vous attends.
  Le temps qu’ils arrivent, je m’évertue à mettre un semblant d’ordre. Zer a enfin fait installer l’eau courante, et travaille en bas dans ce qui fut la citerne, il l'a transformée en chambre avec salle de bain attenante, qu’il a l’intention de louer. J’appelle Zer et lui explique la situation; il me répond calmement que mes parents sont les bienvenus. D’ailleurs, le studio est prêt. La seule chose à faire, c’est de trouver un matelas avant ce soir et le tour est joué. Je lui dis qu’ils n’ont peut-être pas envie de dormir chez nous. Zer rétorque que son honneur est en jeu; ne pas les recevoir chez lui serait une infamie. Il trouve que je n’ai pas le sens de l’hospitalité. L’idée de recevoir mes parents ici ne m’enchante pas. J’entends une voiture sur le chemin, c’est eux. Je m’avance pour les accueillir. Ils tirent une tête d’enterrement. Papa, qui a la peau fragile, est tout rouge; maman me semble plus petite que jamais. On s’embrasse sans un mot. C’est moi qui romps le silence en faisant l’innocente:
  -Vous avez fait bon voyage? Venez, à l’intérieur il y fait plus frais.
  -Nous ne sommes pas venus passer des vacances, me dit maman.
  Ca commence bien, me dis-je. Pour ne pas tomber dans le mélo, j’opte un ton badin:
 -J’avoue que je ne m’attendais pas à vous voir aujourd’hui! Je sais, j’aurais dû vous écrire de temps en temps, mais ce n’est pas un crime, et puis vous voyez, je vais parfaitement bien!