samedi 9 avril 2011

J'ai chopé une saloperie (90)

   J’ai chopé une saloperie, une hépatite, le dentiste probablement qui m’a refilé ce cadeau avec un aiguille mal désinfectée...
  Trois mois clouée au lit. Zer était peu présent, il avait la trouille, il faut dire que ça se comprend. Je dois mon salut à la voisine qui habite de l’autre côté du wadi dans la maison que nous appelons le train, tellement elle est longue. Niki, ma voisine, est femme de pharmacien. Elle s’est fait vacciner par son mari pour pouvoir me soigner en toute quiétude, et n’a pas failli un seul jour pendant tous ces mois. Aujourd’hui, je me sens un peu mieux, bien que très affaiblie. Je peux à nouveau tenir sur mes quilles, et surtout, je ne suis plus contagieuse. Zer est arrivé accompagné de Dan, un ami. C’est le genre de personne qui vous réconcilie avec l’humanité. Il captive grands et petits, il a une façon de raconter des histoires qui rend sages et attentifs, les enfants les plus difficiles. Moi aussi, je suis complètement séduite par cet homme, il m’intimide. Quand je suis face à lui, je baisse les yeux, je suis troublée au point d’en bafouiller; sont rares, les gens qui me font cet effet là. Je dois être amoureuse de lui. Couchée sur mon lit, j’entends ce que se disent les deux hommes assis dehors. A un moment donné Dan dit: «Elle est encore plus belle malade!» ce qui fait rire Zer. A n’importe qui d’autre, il aurait répondu: «Attention, pas touche!», mais avec Dan, il n’oserait pas, non, il rit, presque bêtement! Je suis remuée. Du coup, je n’ose plus les rejoindre, je reste figée, incapable de bouger un orteil. Je savoure ces mots qui résonnent en moi comme un aveu timide. M’aimerait-il donc, ne fut-ce qu’un peu...Quelques jours plus tard, je m’installe à la grande table pour dessiner, quand je vois arriver Dan. J’essaye d’être la plus naturelle possible. On discute de choses et d’autres, je suis toujours aussi tendue, je lui prépare un café, et m'assois en face de lui. Un ange passe, et là je craque! Je me surprends à lui dire: «Je t’aime», comme ça, sans autre explication, je lève la tête, Dan me répond: «Moi aussi, je t’aime Eli». Il me semble lire comme un regret au fond de ses yeux. Je ne baisse plus la tête, je ne dis plus rien, je plane dans l’infini....