lundi 25 février 2013

Surveillées par des matonnes.. (176)


   Surveillées par des matonnes, nous regagnons nos cellules. Nous marchons en rangs serrés, en silence, on entend à peine nos pas, absorbés par le linoléum. J’ai des crampes d’estomac, quelque chose ne passe pas, c’est sûrement ce café infâme. Je me couche en attendant Kate. La douleur est intense. Je n’arrive pas à me détendre dans ce vacarme qui a repris de plus belle. Je me relève et fais les cent pas dans le couloir. Kate arrive, me regarde et dit:
    -Ca n’a pas l’air d’aller, préfères-tu te reposer? 
   -Surtout pas, je t’en prie, reste, je panique, allongée dans ce cagibis!
    -Viens, on va se mettre là-bas au bout, il y a moins de monde. 
   Nous nous asseyons par terre, adossées aux barreaux du couloir, Kate commence son récit:
  -Je suis d’origine écossaise, mais j’ai grandi à Londres. Après mes études secondaires, j’ai fait des études pour devenir infirmière. Il fallait que je gagne ma vie, mes parents n’étaient pas riches, et moi, je n’avais d’ambitions d’aucune sorte. Dans un premier temps, j’ai travaillé dans un hôpital quelque part dans la banlieue londonienne, je m'y ennuyais ferme, j’avais envie de voir le monde. J’ai postulé pour une place d’infirmière dans l’armée britannique basée à Hong Kong. Cela faisait dix ans que j’étais là. Je recommençais à trouver tout ça profondément ennuyeux. J’avais besoin de prendre l’air, mais n’avais pas les moyens de m’offrir des vacances. Peu de temps après, j’ai fait la connaissance d’un type dans un bar. Il faut savoir qu’il n’y avait pas d’homme dans ma vie, je suis une célibataire invétérée! Le type en question se faisait appeler Jeff, il était très sympa, mais c’était juste un ami avec qui j’allais au cinéma ou il m’invitait à dîner. Un jour, je lui ai confié que je voulais partir, prendre l’air, ne fût-ce qu’une semaine ou deux. C’est alors qu’il me proposa de transporter de la came! Je ne me suis pas offusquée, j’ai pensé que c’était la seule façon de gagner un beau paquet d’argent, de voyager par la même occasion et surtout de sortir de mon insupportable traintrain. Ce qu’il attendait de moi, c’était de fixer autour de mes cuisses des barrettes d’herbe comprimées et emballées sous vides. Ces barrettes, je devais les réceptionner à Singapour et les transporter sur moi jusqu’à San Francisco. Je recevrais la première partie du pactole en partant et le reste en arrivant. Il y a avait finalement peu de risque, les fouilles corporelles ne sont pas courantes, le seul danger étant les chiens renifleurs, mais d’après Jeff, la aussi, le risque était infime, du moment que les barrettes étaient soigneusement emballées, ce qu’il me garantissait. J’ai accepté, j’ai pris deux mois de congé sans solde et me suis lancée dans l’aventure!
    A ce point du récit, Kate me regarde et dit:
    -Tu dois te dire que je suis folle d’avoir accepté, n’est-ce pas?
   -Je n’en sais rien! Je pense qu’à ta place, je n’aurais jamais osé faire ça! De toute façon, je ne te juge pas. Ce que j’ai compris, c’est qu’il fallait qu’il t’arrive quelque chose et dans ce sens tu as réussi, je présume!
   Kate éclate de rire et dit:
 -Ah, ça oui! Et comment! Le changement est plus que radical...Tu veux connaître la suite?
   -Bien-sûr, je suis toute ouïe! Du coup, grâce à toi, mes crampes ont disparu!