jeudi 10 février 2011

Je me présente à l'entrée.. (40)

  Je me présente à l’entrée, une femme me fouille et m’indique le chemin. Au bout d’un couloir, une porte donne accès au parloir, à ciel ouvert; du gravier couvre le sol, au milieu, un misérable parterre de plantes et tout autour, quelques tables et bancs à l’ombre des murs surmontés de barbelés. C’est là qu'apparaît Zerah. On lui a rasé le crâne, il porte une espèce de pyjama rapiécé avec un numéro sur la poitrine; il a le regard éteint et la face exsangue. J’essaye de cacher ma stupeur en arborant un grand sourire et me jette dans ses bras. Mais il est interdit de s’approcher aussi intimement, un maton nous rappelle à l’ordre. On s’assoit face à face, je déballe quelques friandises et les objets requis. Mais cela n’a pas l’air de l’intéresser; il est étrangement calme. J’ai du mal à croire qu’il est cet homme fougueux dont je suis amoureuse. En lui parlant, je finis par comprendre qu’il est dopé au bromure; c’est un truc pour calmer les pulsions sexuelles entre autres; je trouve cela révoltant, d’ailleurs, les conditions de détentions sont loin d’être idéales...
  Zerah me parle enfin des raisons qui l’ont menées ici. «Des broutilles! J’ai pris des choses dans des églises et quelques matériaux de constructions sur des chantiers, pas de quoi fouetter un chat! Dire que j’en ai pour six mois, si tout va bien». Je reste muette; je ne veux pas l’accabler, de toute façon, une sonnerie brutale retentit, annonçant déjà la fin des visites. Il est temps de se quitter. Je me retrouve dehors, désemparée, je marche un moment sans but. A part les visiteurs sortis en même temps que moi, il n’y a pas âme qui vive dans ce bled. De la route des volutes de poussière s’élèvent vers le ciel, la chaleur est oppressante. Trop abattue pour continuer, je m’affale au pied d’un arbre rabougri, j’allume une cigarette; la pauvre mine de Zer me hante. Il va falloir une bonne dose de courage pour tenir le coup et surtout, je présage les médisances et commérages. Pour ce qui est d’être seule, je ne m’en fais pas, au contraire, j’ai besoin de me retrouver et de faire le bilan.