samedi 14 juillet 2012

Pendant que je m'apprête (158)


   Pendant que je m'apprête, Norton regarde avec curiosité les perles éparpillées sur la table et dit:
   -Qu’as-tu l’intention de faire de ça?
   -Oh, je ne sais pas trop, je les ai reçues d’une copine, j’étais en train de les trier quand tu es arrivé.
    -Sais-tu d’où elles viennent?
    -Non, pourquoi?
    -Je vais te le dire, ce sont des perles anciennes provenant de sépultures indiennes, plus exactement des Hopis, j’en suis certain, je connais bien une famille qui habite dans la grande réserve Pueblo en Arizona.
  -Ah, bon! Je n’en savais rien, et puis, je te l‘ai dit, c’est un cadeau!
  -Je sais Eli, mais tu ne peux pas les garder, elles doivent retourner d’où elles viennent. Si tu veux bien, je les rendrai à mes amis, à ma prochaine visite.
  -D’accord, je comprends! Tu as bien fait de me le dire. Dommage, elles sont très belles! Mais n’en parlons plus, tu as raison! Maintenant, partons, je suis prête!
   Je m’installe sur la grande selle noire, mets le casque que me tend Norton. La dernière fois que j’ai posé mon cul sur une moto, c’était avec Zer. Il était revenu un beau jour chevauchant une Harley Davidson rouge et blanche garnie de sacoches de cuir noir! Je me souviens de cette après-midi où il m’avait emmenée faire un tour -on roulait à tombeau ouvert, cheveux au vent sur un chemin de campagne, quand soudain, un tracteur est sorti d’un champ de blé. Zer s’est écarté à la dernière seconde sans perdre l’équilibre -énorme frayeur, j’en frémis encore! Norton est maître de son engin, je me sens en sécurité collée contre lui, mes bras entourent sa taille, mes mains cherchent une parcelle de peau nue; pourquoi ne sommes-nous pas en train de faire l’amour au lieu de filer sur la freeway en direction du sud... Environ une demi-heure plus tard, Norton se gare sur une aire de repos. En contre-bas, les bambous géants.
    -Alors, qu’est-ce que t’en dis!?
    -Ils sont énormes, j’en n’ai jamais vu d’aussi grands!
 On se fraie un passage parmi les bambous hauts de plusieurs mètres, Norton s’arrête devant l’un d’eux et dit:
   -Je pense que celui-ci fera l’affaire, il a la bonne circonférence, il te faut aussi une tige fine que l’on placera de biais au fond de la grosse.
    A l’aide d’une machette, Norton tranche d’un coup sec un segment juste sous un noeud qui servira de fond, puis m’explique:
   -Il te faudra attendre qu’il soit tout à fait sec, passant du vert gazon au blond clair, c’est alors que tu devras percer le petit trou pour la tige fine, après, colmater les moindres interstices avec de la résine, ensuite poncer avec soin!
    -Ca à l’air vachement compliqué!
   -Mais non, je te ferai un petit schéma, mais c’est toi qui dois le faire, il faut mériter son bong!
   -Mais pourquoi tant de religiosité, après tout ce n’est qu’une pipe pour fumer de l’herbe!
    -C’est là où tu te trompes! Il faudrait que tu lises Castaneda...
    -De quoi ça parle?
    -Je ne peux pas t’expliquer, c’est à toi de le découvrir!
    -T’en fais des mystères! 
   -Partons, il se fait tard, je dois encore défaire mes bagages et demain, il faudra être debout à l’aube!

mardi 10 juillet 2012

Le lendemain, je décide... (157)


  Le lendemain, je décide de faire du rangement, tombe sur une boîte d’allumette remplie à ras bord de perles rocailles que m’avait offert Pam. J’éparpille les minuscules bouts de verres sur la table et les trie par couleurs, puis par longueurs, occupation absurde s’il en est! J’ai bien essayé de dessiner mais n’y arrive pas, mon esprit est ailleurs. J’entends le ronronnement d’une moto, je me redresse, regarde dehors. C’est Norton. Il arrête l’engin noir aux chromes astiqués à côté de son camion. J’hésite à courir vers lui, me retiens, ne voudrais pas qu’il pense que je l’épie. Je retourne à ma stupide besogne... Norton s’est absenté pendant deux semaines. Qu’est-ce qu’il a bien pu faire tout ce temps, et surtout quand va-t-il pointer son nez ici; maintenant, je compte les perles en me disant que si le nombre est pair cela me portera chance et que Norton sera là dans l’heure! Quand j’étais enfant, je comptais le nombre de bistrots ou le nombre de voitures rouges sur le trajet qui séparait l’école de la maison, et me promettais -si le chiffre était pair- que la chance me sourirait... Je ne suis qu’a la moitié de mon comptage quand on frappe à la porte, je me lève d’un bond, bousculant la table, les petites perles coulent dans tous les sens, anéantissant mon travail. J’ouvre la porte, mon coeur bat fort, je reste là, bouche-bée.
    -Eh, bonjour Eliette! qu’est-ce qui t’arrives, t’as l’air surprise!
    -Eh oui! je ne t’attendais pas! dis-je sournoisement.
Norton m’embrasse, m'enlace, me regarde avec curiosité et dit:
    -Ca n’a pas l’air d’aller? Allez raconte-moi tout!
   -Si, je t’assure, tout va bien, je suis contente de te revoir, je croyais que tu ne reviendrais pas!
   -Voyons, tu crois vraiment que j’aurais fait ça? Il fallait bien que je revienne ici, tu oublies que mon camion se trouve juste en face de ta fenêtre! Non, je plaisante, j’ai pas mal pensé à toi, j’ai des projets, tu verras, à deux, on peut faire un tas de choses, d’ailleurs, j’ai quelques coups de fil à donner pour des boulots, tu permets que j’utilise ton téléphone?
   Je m'assois sur le pas de la porte en attendant que Norton ait terminé. Je me dis que le nombre de perles devait être pair! Entre deux appels, Norton me glisse un petit sachet rempli d’une herbe à la senteur délicieuse. Je me mets aussitôt à la confection d’un beau boulon. Norton me rejoint enfin, et dit:
   -Tu sais ce que l’on va faire?
   -Non, dis-moi!
  -Je vais te conduire dans un endroit où poussent des bambous géants, tu en choisiras un pour en faire un bong, ainsi tu n’auras plus besoin de mélanger de la bonne herbe à du mauvais tabac et comme ça on pourra fumer à deux!
   -C’est quoi un bong?
   -C’est une pipe à eau, le même principe que le narguilé.
   -C’est vrai, je me disais bien que tu ne devais pas aimer le goût du tabac! 
   -Tu devrais arrêter de fumer Eliette, c’est vraiment pas bon pour ta santé!
   -Ouais, je sais! De toute façon, je n’ai même plus de quoi me payer un paquet!
   -Eh, bien, justement, je viens de recevoir un gros chantier et j’ai besoin d’aide, alors, si tu veux, on se le partagera.
   -Mais c’est quoi?
   -Il s’agit de retaper un petit yacht qui se trouve à Marina Del Rey, il faut refaire tous les vernis intérieurs, entre autre. Je suis certain que tu es capable de faire ça, qu’en penses-tu?
   -Waouw, génial! Oui, je pense pouvoir le faire! On commence quand?
   -Demain! Et maintenant on va chercher le bambou, ça te dit?
   -Allons-y!