vendredi 16 septembre 2011

Cela fait une dizaine de jours.. (132)

   Cela fait une dizaine de jours que je suis installée chez Michaël. J’ai une petite chambre avec vue sur le parking. En attendant de trouver un nouveau boulot, je prépare à manger pour moi, Michaël, et les amis de passage. Il y a un va-et-vient continuel, Michaël connaît pas mal de monde. Jusqu’à peu, il était instituteur, il a pris une année sabbatique et ne fout pas grand chose à part son footing matinal sur la plage et fumer des joints à longueur de journée en regardant des matchs de base-ball à la télé avec des copains. J’ai une paix royale, Michaël n'exige rien, il n’a même pas essayé de me toucher, je me demande pourquoi il m’héberge. L’autre jour, j’étais à poil sur mon pieu, il est entré sans frapper, il est devenu tout rouge et s’est fâché en me reprochant de laisser ma porte ouverte, je lui ai rétorqué que je ne supportais pas de m’enfermer à clef! Il est parfois très nerveux, je l’ai déjà entendu crier et jurer comme un charretier, en général il semble plutôt doux et posé. Il faut absolument que je trouve des tunes, j’en ai parlé à Michaël qui m’a conseillé de faire une série de photos de moi, nue, et de les envoyer à Playboy magazine! Il est cinglé je n’ai rien d’une playmate, je n’ai pas les jambes assez longues et ne connais aucun photographe, je trouve son idée saugrenue, mais il persiste et dit qu’il faut essayer, on ne sait jamais. Soudain, je me souviens qu’il y a un photographe qui vient parfois chez Dan au resto, je l’ai servi souvent, un type sympa. Il a un studio un peu plus loin dans une rue donnant sur le front walk. Je décide de passer chez lui dans l’après-midi. J’ai du bol, il est là, je le préviens que je ne pourrai pas le payer, mais il s’en fout, et veut bien faire quelques photos à l’instant car il part en reportage à Hawaii dans trois jours. Aussitôt, nous nous attaquons à la tâche. Il dit que je prends bien la pose, que l’on pourrait penser que j’ai fait sa toute ma vie! A peine une heure plus tard, nous avons terminé. Il développera les clichés et fera quelques tirages d’ici demain, je pourrai venir les chercher en fin de journée. Au moment de partir, Rob me dit:
   -Si tu veux te faire un peu de fric, voici l’adresse d’un free-lance qui fait des photos de charme, je le connais, c’est un mec réglo, tu dis que tu viens de ma part, il est toujours à la recherche de modèles, je suis certain qu’il te prendra et c’est très bien payé!
   -Génial, merci! Je te payerai dès que j’aurais gagné des sous!
  -Oublie! C’est ma façon de te remercier, tu as toujours été ma serveuse préférée! A demain!
   J’annonce la bonne nouvelle à Michaël. Je téléphone de chez lui au photographe pour prendre rendez-vous, une femme me répond que les inscriptions se font sur Sunset boulevard, et me donne le numéro du building. Inquiète, je questionne Michaël:
   -Elle dit que c’est au 8332, c’est loin?
   -T’en fais pas je te conduirai, ça doit se trouver au centre, à West Hollywood. 
  Je raccroche, fixant Michaël droit dans les yeux, je lui demande:
   -Pourquoi tu es si gentil avec moi, pourquoi tu fais tout ça?
   -Parce que je t’aime bien, c’est tout, dit-il en fuyant mon regard.
  Je retourne dans ma chambre et m’enferme à clef. J’ai du mal à comprendre qu’un homme soit si attentionné sans contrepartie. Je me dis qu’il est peut-être amoureux, mais pourquoi n’est-il pas plus franc dans ce cas, il suffit qu’il me le dise, et puis, non, je n’ai pas envie de ça, de lui, je ne suis pas amoureuse, c’est toujours pareil, ce n’est jamais réciproque, enfin si, parfois, mais là, non. J’essaye de comprendre ce qui me gêne chez lui, pourtant ce type n’est ni moche, ni con, un peu grassouillet mais pas vraiment déplaisant avec sa tête d’ado juste sorti de l’enfance. Il y a un côté lymphatique chez lui, je crois que c’est ça, j’ai mis le doigt dessus, il faut dire que Zer était tout le contraire, tiens, je n’avais plus pensé à lui depuis longtemps, complètement oublié, comme si c’était dans une autre vie, d’ailleurs, comment en serait-il autrement. Tout me revient en vrac, où est Gilberte, où est passé ce temps auquel je repense déjà avec nostalgie, à ces années pourtant pas si heureuses mais qui avec le recul me semblent magnifiques, plus belles qu’elles ne l’étaient! Tout à coup, je me sens terriblement seule.