samedi 11 février 2012

Bien des choses.. (146)

   Bien des choses ont changé depuis quelques jours; pas de traces de Julia. Je croise Michaël, lui demande où elle est, il me répond d’un ton sec:
   -Envolée!
   -Bon, tu ne veux pas m’en dire plus, c’est ça?
   -Qu’es-ce que tu en as à foutre de Julia!
  -Michaël, je ne te demande pas de m’expliquer pourquoi elle est partie, mais simplement où elle est, il n’y a pas de mal à ça!
  -Oh, vous les bonnes femmes, vous êtes toutes les mêmes! des emmerdeuses, d’ailleurs, j’en ai marre de toi aussi, je veux que tu quittes l’appart, encore aujourd’hui, c’est compris?
  -Mais Michaël, il est une heure de l’après-midi, il faut que je m’organise! tu ne voudrais quand même pas que je me retrouve à la rue?
   -J’en ai rien à cirer, fais ton baluchon et tire-toi! 
   -D’accord! 
  Michaël s’en va en claquant la porte. Me voilà dans de beaux draps. Je sens bien qu’il ne servirait à rien d’essayer de le convaincre, de lui demander un sursit, ne fût-ce qu’un jour de plus. Il vaut mieux que je m’en aille au plus vite, mais où? Je m’assois sur le pas de la porte, allume une clope. Sur ces entrefaites Don sort de chez lui, me regarde et dit:
   -Hello Eliette, qu’est-ce qui se passe, ça n’a pas l’air d’aller?
   Je lui explique en deux mots,  aussitôt il me propose son aide et dit:
  -Tu sais, l’appart dans le back alley au rez-de-chaussée est vide, si tu veux je téléphone au proprio maintenant, c’est comme chez moi, ce n’est pas le grand luxe, je crois qu’il demande deux cent dollars par mois tout compris!
   -Oh, oui, je veux bien, je te remercie!
   -Viens, on va l’appeler.
  Je suis Don dans son antre. Au milieu du salon, sur une vieille carpette pleine de cambouis trône un moteur et tout autour des pièces détachées, des boulons, et des tas d’outils! Don s’excuse pour le bordel, je lui réponds que c’est original comme déco! Il sourit tout en formant le numéro du proprio. Coup de bol, il est chez lui, il viendra dans une heure remettre la clef. Je remercie Don et coure rassembler mes affaires. Heureusement, je n’ai pas grand chose à transporter. Je jette tous mes vêtements sur un drap et noue les quatre bouts, je m'apprête à sortir le ballot quand surgit Michaël qui s’en empare et le jette par la fenêtre en criant que cela ira plus vite ainsi. Il est comme possédé, rouge de rage, il n’arrête pas de gueuler en éructant les pires insultes. Il me fait peur, je m’enfuis et appelle Don à la rescousse qui vient aussitôt. Il tente de calmer Michaël, mais rien y fait, il continue de jeter tout par la fenêtre dans la petite cours. Don me prend par le bras et m’entraîne chez lui et dit:
  -Laisse-le faire sa crise, je le connais, il finira par s’épuiser dans peu de temps. Je t’aiderai à tout transbahuter. Une demi-heure plus tard, le proprio arrive et me donne la clef contre deux cent dollars, plus cent pour la garantie. Ensemble, nous faisons le tour du petit meublé, il y a tout le confort, au-delà de mes espérances... En moins d’un rien de temps, je suis installée. J’inspecte les recoins de mon nouveau chez moi, ouvre le placard, y trouve de menus objets laissés par le dernier locataire; quelques chiffons, dé à coudre, allumettes et une lettre. Je m’installe à la table devant l’unique fenêtre donnant sur le parking et lis les deux feuillets remplis d’une belle écriture petite et régulière. La lettre est adressée à une certaine Jenny qui semble être la soeur de l’épistolière. Elle lui conseille de porter de gros godillots, des pulls informes pour repousser les mecs qui lui tournent autour! Et ajoute qu’il n’y a pas lieu de devenir extatique à propos des hommes... Tout est écrit sur un ton moqueur, toutefois plein de tendresse, et signé Mary. Je la trouve bien sympathique cette Mary, et me demande de quoi elle a l’air, peut-être l’ai-je croisée, je ne me souviens pas avoir vu quiconque sortir d’ici, l’appart doit être vide depuis un moment. On frappe à la porte, c’est Don, il vient voir si tout va bien et m’invite à manger chez lui ce soir, il y aura quelques amis. J’en profite pour lui demander s’il connaît Mary. 
  -Bien-sûr, on était voisins, oui, une fille sympa, un peu timide, une grande perche trop maigre à mon goût, mais on s’entendait bien. Bon, c’est pas tout ça! je venais juste voir si tu allais bien, tu avais une de ces mines, j’étais inquiet! Maintenant il faut vraiment que j’aille préparer le chili con carne! A tout à l’heure!