vendredi 4 mars 2011

Nous atteignons.. (62)

  Nous atteignons les environs de Calais; un épais brouillard nous empêche de continuer, on se range tant bien que mal au bord d’une route, fatigués et transis de froid. Zer prospecte les abords, après deux minutes, il revient traînant un énorme carton et dit:
  -C’est tout ce que j’ai à te proposer pour la nuit, il y a juste de la place pour deux, prend la couverture.
  C’est assez confortable pour une nuit, quelle aubaine! Enlacés, bien au chaud, on s’endort d’un sommeil profond. Je suis réveillée par des bruits de circulation intense, le carton est brimbalé à chaque déplacement d’air provoqué par le passage de poids lourds. Je secoue Zer qui dort toujours à poings fermés, il sursaute et dit:
  -Qu’est-ce qu’il y a, laisse-moi dormir!
  -Allons Zer, si tu ne te lèves pas, je ne peux pas sortir, le bruit est infernal!
  Je réussis enfin à le tirer de son sommeil; nous nous dégageons de notre abri de fortune, un peu courbaturés; nous découvrons que nous sommes au bord d’une route très fréquentée, qui plus est, à l’entrée d’une usine! Le jour commence à poindre, des ouvriers arrivent, d'autres s’en vont les traits tirés par une nuit de labeur. Le brouillard s’est complètement levé. 
  Arrivés à Calais, on se dirige vers l’embarcadère des car-ferries, mais l’attente est longue; le prochain bateau part dans trois heures. Petit à petit, le parking se remplit. A côté de nous s’est garée une camionnette aménagée en camping-car. A son bord, un gars et une assez jolie fille; elle porte du rouge à lèvre vert et du vernis à ongle assorti; ça lui donne un air étrange qui me plaît bien. J’en fais part à Zer qui me dit un peu agacé qu’il l’avait déjà remarquée; il la trouve superbe et autrement plus souriante que moi! Je lui fais remarquer qu’elle n’a certainement pas dormi dans un carton au bord d’une route, quelle ne s’est pas réveillée au petit matin sans s’être lavée! Zer s’est levé du pied gauche. Et bien-sûr, il continue de m’accabler jusqu’à ce que je craque. Je me lève, ouvre le coffre de la voiture et m’empare des deux sacs contenant les vases et m’en vais les jeter un peu plus loin sur une avancée rocheuse descendant vers la mer; je reviens et dis à Zer:
  -Nous voilà débarrassés de ses affreux machins qui par ailleurs encombraient le peu d’espace de cette connerie de bagnole qui, entre parenthèse, est encore une de tes bonnes idées!
  -Mais tu es folle à lier! Je suis certain que l’on aurait pu vendre les vases en Angleterre.
  -Tu veux rire! C’est toi qui es fou, tu as bien vu qu’à chaque tentative de vente, les gens refusaient soupçonnant qu’ils étaient volés! Et puis, on n’a pas la tête de l’emploi! Ce qui est certain, c’est que je me sens beaucoup mieux à présent; rien de tel pour se défouler...
  Ma volonté de détendre l’atmosphère retombe à plat. Zerah est un délinquant relationnel, je suis sa victime; pour le moment, je ne peux pas réagir; cela durera tant que je serai amoureuse. A chaque dispute quelque chose se brise et m’éloigne un peu plus de lui...