lundi 31 janvier 2011

A la nuit tombée.. (30)

 A la nuit tombée, je retourne au village dans l’espoir de le revoir. Je me fais harponner par un gars parlant l’anglais. Il dit me connaître de vue, mais ne jamais avoir osé m’aborder d’emblée. Mais cette fois-ci, il a un prétexte, il m’invite à une party qu’il organise demain soir. Je lui réponds:
  -Tu vois je ne mords pas et je m’appelle Eliette.
  -Moi, c’est Igal. Alors, Eliette, tu viendras demain?
  -D’accord, cela se passe où?
  -Tu vois, au bout de la rue, à côté de la fontaine, la maison aux fenêtres en ogive? C’est là.
  -Bon, je passerai, alors à demain!
  Entre Gilberte et moi, une tension s’installe; sa possessivité m’angoisse. Lâchement, je n’ose aborder le sujet. J’étouffe, j’ai besoin de prendre un peu de distance, de voir du monde.
  Le soir venu, je me prépare pour la party . En descendant les escaliers, on a une vue  plongeante et partielle de la salle à manger par une ouverture vitrée au-dessus de la porte. C’est là que j’aperçois Gilberte assise seule à la grande table. J’ai l’impression qu’elle m’épie; furtivement, je baisse la tête, échappant ainsi au regard de ma geôlière. Je n’aime pas les embrouilles, mais Gil ne me laisse pas le choix et me pousse à un comportement puéril, son amour exclusif en est la cause. Je fuis, le coeur lourd.
  Sur le chemin, j’entends au loin une cacophonie indescriptible provenant de la fête qui semble battre son plein! Devant la porte, je suis accueillie par des garçons et des filles,  clopes au bec, bières à la main. ils me disent que ce n’est pas la peine d’essayer de monter là-haut, qu’il y a tant de monde que l’on risque de se faire écraser! Je m’y risque quand même. En effet, la pièce est bondée, je fais aussitôt demi-tour et me retrouve dans la rue, ne sachant que faire. Au moment où je décide de partir, quelqu’un dévale les marches quatre à quatre, me tire par le bras, me bafouille à l’oreille des mots dans un anglais très approximatif:
  -C’est nul ici, allons ailleurs!
  Médusée, je me retrouve face à l’homme de l’autre jour, l’homme fauve, c’est bien lui!