Je suis réveillée par les caresses délicates de Daoud. Je ne sais évidemment rien de cet homme, je me contente de faire le petit bouchon au fil de l’eau, comme dans la chanson. Le soir tombé, nous quittons la maisonnette, c’est l’heure où les gens sortent de leur léthargie; les marchands ambulants proposent des délices: falafel, homous, foul... Tout me met l’eau à la bouche, mais Daoud connaît les bonnes adresses et m’emmène dans un boui-boui où visiblement il a ses habitudes. Le sexe et le shit, ça creuse, je m’empiffre à satiété, après nous flânons dans une des rues principales, c’est là que se trouve le fameux bar du copain, on s’arrête devant une porte en forme de trou de serrure. L’endroit s’appelle le Key Bar. Le lieu est exigu, la lumière tamisée comme il se doit. Deux hommes sont assis au comptoir, en face d’eux, une longue perche à la chevelure décolorée fume sa clope d’un air blasé, un jeune type sort d’une pièce du fond, Daoud fait les présentations.
-Voici Eliette, elle cherche du boulot.
-Bonsoir, moi c’est Moussa. Si tu veux, tu commences demain soir. Ici, les filles sont payées au pourcentage.
Moussa porte un costard foncé et un col roulé moulant noir. Plutôt petit, nerveux, les yeux trop rapprochés et le regard qui fuit sans cesse, il mâchonne un cure-dent, il ne me dit rien qui vaille, mais je me jette à l’eau et lui réponds:
-D’accord pour demain soir!
-Viens de bonne heure pour que je t’explique.
Daoud me raccompagne au bus. Il me quitte à regret et promet de passer de temps en temps au bar.
De retour dans ma piaule (depuis le départ de Jacob, je loue ce qui fut une cellule, trois mètres sur quatre avec une fenêtre surélevée, et un lavabo rajouté récemment). Je m’endors toute habillée sur mon petit lit de fer. Réveillée par les matines, je rêvasse, me remémore la journée d’hier et me dis que ma situation pourrait sembler quelque peu extravagante aux yeux de mes parents si ils venaient à apprendre que leur fille habite un couvent, baise avec un flic palestinien et fait l’entraîneuse dans un bar arabe, je me marre en imaginant leurs têtes, surtout que rien n’était prémédité...
