mercredi 30 mars 2011

En rentrant.. (84)

  En rentrant, je suis surprise par les sirènes, c’est la première fois depuis le début des affrontements; je ne sais que faire, je m’abrite dans l’espace étroit qui sépare la maison du flanc rocheux de la colline. Le bruit assourdissant d’avions de chasse, survolant le village à très basse altitude, me secoue de trouille. Je reste dans le confinement du boyau tant que ne retentît la fin de l’alerte. Pendant les deux ou trois secondes que dure le survol, je n’entends aucune explosion. Les sirènes résonnent à nouveau, c’est fini. Je sors de ma planque, je m’assois sur la terrasse; toute tremblante, j’ai du mal à allumer ma clope. Je constate qu’autour de moi rien a bougé, pourtant, quelques chose a changé, c’est mon regard qui n’est plus le même... 
  Ce matin en écoutant la radio, j’entends qu’un cessez le feu vient d’être demandé par les Nations Unies en accord avec les partis concernés.
  La prédiction de Gilberte s’avère exacte. Trois jours plus tard, Zer est de retour. Il a fort maigri, son visage est marqué par le manque de sommeil; il me raconte qu’il s’est porté volontaire pour le transport d’urgence de blessés vers les hôpitaux. Il me ramène quelques trophées de guerre, entre autres un Coran druze, et toute une panoplie de draps de bain provenant d’un hôtel de luxe! J’écoute le récit de ses aventures sans l'interrompre, je n’arrive pas à déceler le vrai du faux, après tout, qu’importe! C’est qu’il a un talent incontesté de conteur...
 Durant un peu plus de deux semaines, nous vivons une nouvelle lune de miel jusqu’à l’instant où je vois Shaï sur son cheval, il se dirige vers nous. Zer me demande si je connais l’individu, je lui réponds que oui. Zer détecte aussitôt mon trouble et m’ordonne d’aller dire à cet homme qu’il n’est pas le bienvenu dans sa maison, qu’il exige qu’il décampe sans perdre de temps...J’essaye de lui faire entendre raison, mais rien n’y fait. Une lueur étrange dans son regard me donne le frisson; je cours vers Shaï pour le prévenir, en deux mots je lui explique la situation, je lui fais part de ma confusion et lui conseille de rebrousser chemin, j’ajoute que c’est ce qu’il a de mieux à faire. En effet, Zer est dans une rage folle et me dit qu’il me pardonne pour cette fois, mais qu’il ne veut plus jamais revoir ce type dans les parages, il l’étriperait et moi avec. Sur ce, il se met au volant de la jeep et s’en va.