mercredi 23 février 2011

Comme à chaque fois..(53)

    Comme à chaque fois, maman fait son numéro de mater dolorosa:
  -Mais tu es folle, tu ne te rends pas compte des inquiétudes que nous avons eues.
  Un ange passe. Ils se questionnent du regard, puis maman reprend la parole avec le consentement de mon père:
  -Nous étions tellement anxieux à ton sujet, que nous avons fait appel à un détective qui t’a suivi pendant un certain temps. Il nous a fait un rapport si alarmant que nous avons décidé sur-le-champ de te ramener avec nous, c’est la raison de notre présence!
  -Vous n’y pensez pas! Qu’est-ce que ce privé a bien pu vous raconter comme bobards?
  -Si tu veux tout savoir, voici ses conclusions, me dit mon père en me tendant quelques feuillets dactylographiées.
  Je suis atterrée par les inepties que je lis, un tissu de mensonges, une interprétation complètement faussée, en ma défaveur, évidemment. Ce mec s’est amusé à faire un récit catastrophiste. Mais le plus navrant, c’est que mes vieux y ont cru. Je relève la tête et dit:
  -Si vous avez plus confiance en cet inconnu qu’en moi, je crois que l’on n’a plus rien à se dire.
  -Lorsque nous avons lu son compte rendu, nous étions désespérés, me dit ma mère.
  -Comment avez-vous pu avaler des choses comme, je cite: «Votre fille est une putain, son lieu de travail est son lit, les hommes font la file devant la maison» et ce n’est pas tout: «L’homme avec lequel elle vit est un maquereau, un déserteur, un voleur; d’ailleurs, il a fait de la prison...»  et j’en passe! C’est vrai, il vient de passer six mois en prison, mais cela ne fait pas de lui ni un maquereau, ni un truand, comme décrit dans ce chiffon!
  C’est à ce moment-là que Zerah fait son entrée.
  -Et voici mon souteneur! dis-je avec ironie.
  Evidement, Zer ne pige pas un mot de néerlandais, et je me garde bien de lui raconter tout ce qui vient d’être dit ainsi que la vrai raison de l’apparition soudaine de mes parents. Zer use de son charme, affichant son sourire ravageur; il prépare du café en sifflotant. Nous buvons en silence. je finis par mettre un terme à cette fausse quiétude:
  -Venez voir où vous dormirez, Zerah vient tout juste de terminer un petit logement en bas, c’est très confortable.
  A ma grande surprise mes parents me suivent sans broncher.
  -Alors, qu’en pensez-vous?
  -Je crois que ta mère et moi serions mieux à l’hôtel.
  -Allons, quand allez-vous arrêter cette comédie, Zerah tient à vous recevoir chez lui!
  -Bon, dans ce cas on accepte! dit ma mère.
  Elle se précipite aussitôt pour embrasser Zer. Enfin, la glace est rompue. Maman est plus encline aux réconciliations; elle est spontanée. Mon père est buté, mais dès que sa femme prend une décision, il se range à ses côtés.
  -Pendant que vous défaites vos bagages, Zer va chercher le matelas et moi je m’occupe du repas; à mon tour je reçois un baiser de ma mère qui me dit:
   -Il est gentil ton Zerah, au fond c’est un brave garçon!
   Un brave garçon! Ce n’est pas vraiment l’adjectif qui convient, me dis-je.