lundi 12 septembre 2011

Dès le retour de... (130)

    Dès le retour de Leslie, nous partons, cette fois avec ma vieille caisse aux environs de Topanga Canyon; la route serpente dans une végétation drue, on dirait un paysage méditerranéen, les mêmes essences, les mêmes effluves dans la chaleur encore douce. Après un tournant en épingle à cheveux, on découvre une maison et des panneaux invitant à venir admirer de l’artisanat. J’arrête la voiture sur le parking. Nous entrons dans le petit magasin. Une femme est assise dans l’arrière boutique, elle nous souhaite la bienvenue de loin. Je trifouille parmi les vêtements, écharpes, et sacs suspendus à une tringle; du fait main dans un style qui se veut hippie, des fleurs partout, des couleurs criardes. L’ambiance m’est familière, je n’arrive pas à savoir à quoi cela tient jusqu’au moment ou la femme surgit et commence à me parler avec un accent que je reconnais tout de suite. Je lui dis les quelques mots d’arabe que je connais, elle sursaute de joie. Nous évoquons évidemment Jérusalem dont elle est originaire, intarissable elle me raconte sa vie dans un flot arabo-anglais, elle est tellement heureuse qu’elle m’offre un foulard en souvenir de notre rencontre. Pendant ce temps, Leslie patiente, il est à l’écoute de tout ce que l’on se dit. Après une bonne heure passée dans la boutique, nous retournons à la voiture. Leslie est bouche-bée devant cet événement mineur, je lui dis que cela n’a rien d’extraordinaire, qu’il a dû connaître ce genre d'effervescence en Inde, je trouve son étonnement excessif! Mais il répète:
   -Ta façon d’être avec les gens me bluffe, j’ai remarqué ça dès l’instant où je t’ai vue au travail, il se passe quelque chose dont tu ne dois pas avoir conscience. 
   Nous nous attardons encore un peu sur les petites routes. Mais il faut rentrer à temps, le carrosse nous attend! Pour l’occasion j’enfile ma seule tenue neuve, un ensemble chemise et pantalon en coton noir, coupé près du corps. Leslie me trouve un petit air terroriste chic! Je passe chez Dan prendre les clefs et nous voilà sur la route en limousine. C’est la première fois que je conduis une aussi grande voiture, elle ne roule pas, elle vogue, on n’entend que son ronronnement puissant et stylé. Arrivés devant le restaurant, les choses se déroulent comme prévu, un homme en uniforme ouvre ma portière et m’aide à sortir, je le remercie et lui remets les clefs. Je n’ai pas l’habitude de ce genre de cérémonial, je suis mal à l'aise. Nous entrons dans le riad par de hautes portes en bois sculpté, ensuite dans une cour intérieure avec fontaine et bassin entouré d’une profusion de palmiers, plantes et fleurs multicolores. Nous sommes accueillis par une jeune femme en djellaba richement ornée, elle nous mène dans une des nombreuses salles entourant la cour. Leslie a réservé une table basse entourée de coussins dans lesquels je me laisse glisser avec un vif plaisir. La jeune femme nous verse de l’eau de rose sur les mains au-dessus d’un grand bol en cuivre tout en nous expliquant les menus; nous optons pour la traditionnelle Bastilla au pigeon avec salades diverses, sans oublier le vin. Tout est enchantement, les fragrances de jasmin mélangées au cumin, clou de girofle et autres épices m’étourdissent. Le vaste espace est divisé en alcôves faites de paravents façon moucharabieh qui donne l’illusion d’être seul. Nous nous laissons aller à de folles étreintes entre chaque bouchée. La soirée sybaritique prend malheureusement fin, il est grand temps de partir, minuit va bientôt sonner!