dimanche 8 mai 2011

Comme chaque jour (98)

  Comme chaque jour, je fais mes brasses avant l’aube. L’atmosphère est lourde, la mer tranquille. En général, je nage une demi-heure, jusqu’à ce que le soleil se lève derrière les montagnes, ensuite je me repose, le temps de me sécher aux rayons bienfaisants. Mais ce matin le hamsin se met à souffler rendant l’air suffocant. Une grande fatigue me fait sortir de l’eau, je me couche sur le sable encore frais et m’endors.
  Je rêve que je suis debout, face à la mer, quand soudain une vague immense s'avance, se muant en un cercle parfait tournant sur lui-même, projetant de l’écume alentour; en son milieu, une clarté m’attire irrésistiblement, je fais quelques pas, happée par la source de lumière, je flotte dans un tunnel baigné de lueurs iridescentes. Je me sens fétu de paille bercé par une brise légère. Je n’ai jamais connu tel bien-être, cela ressemble à la vacuité apaisante après l’orgasme. Pendant une fraction de seconde j’ai le souvenir de mon corps, je me tâte, mais me rends compte que je ne suis plus un être de chair, je ne suis plus qu’un brin de rien, qu’un esprit dans un ailleurs. Enfin, je lâche prise pour savourer ce goût d’éternité. De plus en plus, l’idée de ma mort me gagne, telle une évidence. A un moment donné, la lumière céleste s’éteint brusquement, j’entends d’abord bruits et murmures confus, puis les voix des gens s'affairant autour de moi, je suis allongée sur un lit inconfortable du petit dispensaire. On m’explique que j’ai été victime d’une insolation, que j’aurais pu mourir si quelqu’un ne m’avait pas trouvée sur le rivage, plongée dans un profond coma.