mardi 19 février 2013

Je m'assoie.. (174)


 Je m'assoie à l’extrémité de ma couchette, les jambes ballantes. J’observe mes compagnes de cellule, il faudrait que je leur parle, mais n’ose pas. Elles ont l’air de m’ignorer royalement. A me demander si je suis vraiment là, peut-être que je rêve, que tout ceci n’est qu’un cauchemar et vais me réveiller d’une seconde à l’autre. Soudain, l’une d’elles sort de son mutisme et me questionne:
   -Pourquoi t’es là?
   -Je ne sais pas!
   Elle se met à rire et crie aux autres:
  -Vous entendez? Elle ne sait pas pourquoi elle est là, ça c’est la meilleure! Cette pute blanche ne sait pas ce qu’elle fout ici!
   Les filles lui disent de se calmer, de me laisser tranquille. Je n’ai pas bougé d’un poil, ni fait entendre le son de ma voix. Mon interlocutrice revient à la charge, cette fois, avec un ton plus doux:
   -N’aie pas peur, j’suis une chienne qui aboie mais ne mord pas! Enfin, si justement, c’est parce que j’ai mordu mon boyfriend, je lui ai arraché l’oreille gauche, c’est pour ça que j’suis ici! Voilà, maintenant à ton tour de me dire ce que t’as fait!
   -Je t’assure, je n’ai rien fait, je suis clandestine, c’est tout!
   -Mais pourquoi ils t’ont mis en prison?
  Je lui explique dans les moindres détails le périple qui m’a amenée ici. Elle semble satisfaite de ma réponse et dit:
  -C’est bien c’que j’m’disais t’as pas une tête à être en prison, encore moins d’une criminelle! T’en fais pas va, tu sortiras demain au plus tard, c’est pas comme nous, la plupart des filles que tu vois ont tué, père, mère, mari ou leur môme!
    Un long frisson me parcourt, puis, je lui demande:
  -T’en as pris pour combien?
  -Ben, j’n’en sais rien, ici, tu vois, on est dans l’attente d’être jugée, ça peut durer jusqu’à trois mois, parfois plus, ça dépend d’un tas d’choses. Après les trois mois, on est transférées dans des cellules à deux ou seule, c’est selon, mais là t’es plus cool qu’ici, t’as la télé, tu peux même faire des activités, tu reçois des colis d’l’extérieur si tes proches n’t’ont pas lâchée, enfin c’est la taule quoi! Tandis qu’ici, on tourne en rond, on n’fout rien, on bouffe, on dort et comme tu peux t’en rendre compte, on a la radio!
   -Justement, j’allais te demander, cette musique, c’est du matin au soir?
   -Oui, ma chère, depuis l’réveil à cinq heures, à l’extinction des lumières, à onze heures du soir! T’as pas l’air d’apprécier? 
    -En effet, ça rend dingue! Une véritable torture...
   -Eh, bien, t’es une p’tite nature, moi j’aime bien, ça nous fait danser, ça nous maintient en forme!
   Une sonnerie retentit, elles sortent dans le couloir commun, se mettent en rang par deux. Je m’avance également. Je ne sais pas ce qui se passe, quand enfin une âme charitable me tire par le bras à côté d’elle et me chuchote tout bas:
     -On va au réfectoire, c’est l’heure du petit dej!