vendredi 5 août 2011

Nous roulons.. (116)

   Nous roulons sans relâche pendant quelques heures, le paysage est de plus en plus désertique, minéral, le soleil tape, j’ai faim et soif, je supplie Zer de s’arrêter, il continue de tracer comme un forcené, le reste ne compte pas, qu'il soit ici ou ailleurs, c’est son désir qui prime, ça a toujours été comme ça; avant, je m’en accommodais, maintenant, je n’en peux plus, je ne supporte plus ses accès névrotiques. Je me rends compte que notre histoire est en train de finir. Je l’observe, j’en ai tout le loisir; j’admire encore son beau profil d’oiseau de proie, il fixe la route sans jamais tourner la tête. Qui est cet homme, qu’est ce que je fais avec lui dans cette bagnole au milieu de nulle part, pourquoi je subis toutes ses lubies? J’aimerais descendre de la voiture et marcher droit devant moi. Probablement qu’il ferait semblant de s’en foutre et continuerait seul, puis s’arrêterait soudain, ferait volte-face me suppliant de revenir, je continuerais sans un regard. Pour l’instant, je reste muette, le cul collé sur le skaï rouge de la banquette. Entre-temps, nous avons dépassé Reno, je viens de lire un panneau avec plusieurs noms qui font résonance dans ma tête. Nous sommes dans le Nevada et le jour décline. Cette fois il faut s’arrêter, j’en fais part à Zer qui ne montre pas de résistance, il est vaincu par la fatigue. Se balançant au vent, une pancarte signale le dernier motel avant le désert. Quelques centaines de mètres plus loin, Zer gare la Chevi devant une des chambres du petit motel délabré que l’on devine peint autrefois en un vert acidulé. Ce soir encore, nous sommes les seuls clients...