samedi 19 mars 2011

De retour chez mes parents..(77)

  De retour chez mes parents, je suis malheureuse à crever. La plupart du temps, je m’enferme dans ma chambre. Je me considère nullement responsable de ce qui m’arrive; mes parents sont évidemment de l’avis contraire. Ils m’accablent chaque jour un peu plus. Sans me consulter, ils choisissent un avocat qui d’après eux est l’homme de la situation. Leur choix s’avère être bon. En un temps record, Maître A. règle l’affaire en adressant une lettre ciblée, moyennant une somme rondelette; mes parents paient sans sourciller car pour eux être avocat de renom impose le respect et donne le droit d’arnaquer en toute légitimité...
  Mon départ est prévu pour début septembre, quelques jours avant Kippour...
  A ma descente d’avion, une jeep de l’armée déboule en trombe sur le tarmac. A son bord, Zer et son cousin Dov qui est lieutenant colonel. Dès mon arrivée, j’ai droit au grand jeu. Je suis accueillie en vip. Zer accourt et m’embrasse devant les passagers ébahis. Je suis mal à l’aise devant ses manières fanfaronnes. Le commun des mortels n’a pas droit d’accéder directement à l’avion, sauf autorisation exceptionnelle...
 je retrouve la maison sens dessus dessous, les meubles ont disparu. Pendant les semaines qui précédèrent son départ pour la Belgique, Zer a carrément construit un étage au-dessus de la partie neuve. Il compte y installer deux chambres à coucher et une salle de bain. Pour l’instant c’est un grand espace brut auquel on accède par une échelle branlante qui passe par un trou pratiqué dans le plafond de la cuisine. C’est là qu’avant de partir Zer a entreposé tous nos effets personnels et tous les meubles. Il a loué la maison pendant la durée de notre absence. J’essaye de savoir pourquoi il ne m’a rien dit de tout cela, mais une fois de plus, je reçois une réponse évasive. En fait, je me rends compte que la maison est toujours louée à deux jeunes femmes hollandaises! Zer n’a tout simplement pas trouvé opportun d’arrêter la location, ne sachant pas si je reviendrais! C’est en tout cas ce qu’il finit par m’avouer. Me voilà de retour après des mois de nomadisme, n’ayant pas d’endroit où dormir. 

Je passe mes journées.. (76)

  Je passe mes journées entre plage et cinéma. Je ne vois plus Lisa; elle prépare une thèse en sociologie. Une fois de plus, elle a trouvé une bonne poire pour se faire aider en la personne de son prof de fac de Bruxelles qui donne cours à Nice en ce moment.
  Je tombe par hasard sur Lisa en allant à la plage, elle me parle longuement de son travail qui se termine grâce à la sollicitude de Ray, son prof. D’ailleurs, elle m’invite à fêter cela ce soir, on ira rejoindre Ray à Pampelune, près de St Tropez où elle a rendez-vous dans un de ces restaurants à la mode. Nous arrivons avec une demi-heure de retard, l’endroit est très beau, une table nous est réservée au jardin, la nuit est douce et Ray avec ses petits yeux pétillants, charmeur et drôle à souhait, mais doté d’un physique un rien ingrat. Je comprends pourquoi cet homme d’une quarantaine d’années s’est dévoué à ce point pour Lisa. Ray dévoile de façon involontaire qu’il n’a pas simplement donné quelques conseils pour la thèse de Lisa, il a pratiquement fait le boulot à sa place! Je parle d’Israël avec Ray qui lui aussi a vécu un temps là-bas. Ces parents sont morts dans les camps; à la fin de la guerre, à la sortie de l’orphelinat, il est envoyé en Israël contre son gré. Cette soirée est pour moi sans doute, un des derniers moments de répit avant longtemps... Je retourne encore à Marseille, c’est toujours le même topo, il faut que je revienne dans quinze jours; rien ne bouge. Je téléphone à Zer, lui non plus ne parvient pas à débloquer la situation. Cela fait trois mois que je suis en exil forcé, j'en ai marre, malgré mes nombreux va-et-vient chez Anne qui est vraiment adorable avec moi. Comme je l’avais pressenti dès notre première rencontre, Anne est très malade et endure de terribles douleurs. Devenue accro à la morphine, elle dépérit lentement.
  Je me rends compte que je ne peux m’éterniser ici, je décide d’aller à Bruxelles.