lundi 24 janvier 2011

Ce matin.. (23)

  Ce matin, pas question de rigoler, il faut que je me rende en ville, au ministère de l’intérieur, mon visa de touriste expire, et je suis obligée de m’inscrire en tant que nouvelle immigrante; je n’ai pas d’autre alternative si je veux rester dans le pays. 
  Deux heures que j’attends mon tour parmi une foule de gens de toutes origines. Des hautes fenêtres sales éclairent à peine la salle d’attente. Des piles de dossiers écornés sont entassés dans les moindres recoins, l’atmosphère est lourde et saturée de poussière. Des fonctionnaires affairés courent dans tous les sens. Je déteste ce genre d’endroit, je déteste attendre, je déteste les paperasseries... Enfin, un homme arrive vers moi et me demande de le suivre, il me donne des formulaires à remplir.
  -Par ici, le rabbin va te recevoir dans un instant, en attendant tu peux déjà inscrire ton  nom, pays d’origine, et ta religion, me dit l’homme.
  -Attendez, pourquoi un rabbin? Vous faites erreur, je ne suis pas ici pour voir un rabbin, je viens pour régulariser mon séjour!
  -On est d’accord, tu attends ici, il se fait que mon chef est également rabbin, un point c’est tout et si cela ne te plaît pas, la porte est là!
  Encore une chance que presque tout le monde parle français, je pipe à peine deux mots d’hébreu. Cette fois, je me retrouve dans un couloir tout aussi triste que le reste. Une femme sort d’un bureau, laissant la porte entrouverte, de l’intérieur une voix crie, au suivant. Un barbu sans âge portant de petites lunettes rondes m’ordonne (sans lever la tête) de m'asseoir et de lui remettre le formulaire. 
  -Tu t’appelles Eliette D., et tu viens de Belgique, c’est bien ça?
  -Oui!
  -Et tu n’es pas juive! Car, à la question religion, tu as répondu, sans
  -Je suis de parents juifs.
  -Donc, tu es juive!
  -Oui, mais on peut naître juif et ne pas être croyant!
  -C’est là où tu te trompes.
  -Je regrette, je ne peux pas être d’accord avec vous!
  Le rabbi se gratte la tête sous sa kippa, se lève et sort de la pièce; après quelques     minutes, il revient accompagné d’un jeune barbu.
  -Shmuel, je t’en prie, explique à cette jeune fille! Moi je suis fatigué, elle est têtue comme une mule! Et ça recommence! A son tour le jeune barbu me fait la leçon, il m’explique aussi qu’il y a des avantages non négligeables liés au statut de nouvel immigrant et que si je persiste, j’aurais de grandes difficultés à obtenir la nationalité israélienne. De guerre lasse, je capitule.