mercredi 11 mai 2011

Je me remets.. (99)

  Je me remets assez vite, les brûlures se cicatrisent, j’ai reçu de la pommade et dois éviter le soleil pendant un moment. Je reste dans la palmeraie, paresse, dessine, et fume avec mes voisins. Ce matin, je me sens beaucoup mieux, plus d’étourdissements, les plaies ont disparu. Affublée d’un chapeau de paille, (cadeau de Linda), vêtue de la djellabié de Gilberte, je marche le long de l’eau quand une jeep s’arrête sur la plage. C’est un policier, il vient vers moi et me dit bonjour. Il me fait le baratin habituel, d’où je viens, depuis quand je suis là, comment je m’appelle. Lui, fait sa tournée, c’est à dire, il parcourt la côte en jeep plusieurs fois par mois et descend jusqu’au campement d’un couple d’aquaculteurs à une soixantaine de kilomètres au sud d’ici. Gershon est un petit bonhomme rondelet, moustachu, la quarantaine, plutôt sympa, il m’inspire confiance. Il me demande si j’ai envie de venir avec lui, ajoute que cela lui ferait plaisir et aussi au couple de français qui reçoit très peu de visiteurs, à part lui. Je n’hésite pas, c’est une opportunité de voir la région. Me voilà partie avec mon chauffeur grassouillet dans la jeep ouverte à tout vent, secouée par les tressautements du véhicule filant hors piste à bonne allure. Devant nous, le paysage ne change pas vraiment, toujours la mer d’huile et les montagnes à l’infini; de temps en temps, des percées donnent à voir furtivement les beautés du désert... Après une heure et demie de route, nous arrivons au campement. Une femme vient à notre rencontre, elle connaît Gershon, lui demande des nouvelles du monde civilisé, et me souhaite la bienvenue. La femme nous prépare du thé sous la tente, à la bédouine; l’installation est sommaire, mais à y mieux regarder, cela ne manque pas de confort; une génératrice ronronne à l’écart. La femme m’intimide; la quarantaine ou même plus, on devine qu’elle a dû être d’une grande beauté, elle l’est d’ailleurs toujours. En t-shirt et paréo, grande et extrêmement mince, elle se déplace avec grâce, elle parle d’une voix douce à l’accent parisien. Elle me raconte qu’elle était mannequin chez Dior. Elle a tout laissé tomber pour suivre l’homme de sa vie, justement, celui-ci arrive. Il est très jeune, doit avoir la moitié de son âge à elle; lui aussi est parfait dans son slip de bain, les cheveux décolorés par le soleil et les embruns, le corps d’athlète recouvert d’une fine pellicule de sel. Parti inspecter les filets depuis l’aurore, il vient se reposer un moment, il avance vers elle pour l’embrasser comme s’ils ne s’étaient plus vus depuis très longtemps. Ils s’aiment... 
  Gershon repartira dans deux heures, il doit régler quelques affaires, il est l’intermédiaire entre le couple et l’armée qui effectue par avion leur approvisionnement en essence et autres produits de première nécessité. Pendant ce temps, je pars me promener dans les environs. Je me retrouve sur une plage jonchée de débris de coquillages, à chacun de mes pas l’entrechoquement cristallin résonne tel un écho suspendu, amplifié par les parois des collines, remplissant le silence immémorial du désert. J’aimerais rester là, c’est exactement ce que j’aime.