mardi 10 juillet 2012

Le lendemain, je décide... (157)


  Le lendemain, je décide de faire du rangement, tombe sur une boîte d’allumette remplie à ras bord de perles rocailles que m’avait offert Pam. J’éparpille les minuscules bouts de verres sur la table et les trie par couleurs, puis par longueurs, occupation absurde s’il en est! J’ai bien essayé de dessiner mais n’y arrive pas, mon esprit est ailleurs. J’entends le ronronnement d’une moto, je me redresse, regarde dehors. C’est Norton. Il arrête l’engin noir aux chromes astiqués à côté de son camion. J’hésite à courir vers lui, me retiens, ne voudrais pas qu’il pense que je l’épie. Je retourne à ma stupide besogne... Norton s’est absenté pendant deux semaines. Qu’est-ce qu’il a bien pu faire tout ce temps, et surtout quand va-t-il pointer son nez ici; maintenant, je compte les perles en me disant que si le nombre est pair cela me portera chance et que Norton sera là dans l’heure! Quand j’étais enfant, je comptais le nombre de bistrots ou le nombre de voitures rouges sur le trajet qui séparait l’école de la maison, et me promettais -si le chiffre était pair- que la chance me sourirait... Je ne suis qu’a la moitié de mon comptage quand on frappe à la porte, je me lève d’un bond, bousculant la table, les petites perles coulent dans tous les sens, anéantissant mon travail. J’ouvre la porte, mon coeur bat fort, je reste là, bouche-bée.
    -Eh, bonjour Eliette! qu’est-ce qui t’arrives, t’as l’air surprise!
    -Eh oui! je ne t’attendais pas! dis-je sournoisement.
Norton m’embrasse, m'enlace, me regarde avec curiosité et dit:
    -Ca n’a pas l’air d’aller? Allez raconte-moi tout!
   -Si, je t’assure, tout va bien, je suis contente de te revoir, je croyais que tu ne reviendrais pas!
   -Voyons, tu crois vraiment que j’aurais fait ça? Il fallait bien que je revienne ici, tu oublies que mon camion se trouve juste en face de ta fenêtre! Non, je plaisante, j’ai pas mal pensé à toi, j’ai des projets, tu verras, à deux, on peut faire un tas de choses, d’ailleurs, j’ai quelques coups de fil à donner pour des boulots, tu permets que j’utilise ton téléphone?
   Je m'assois sur le pas de la porte en attendant que Norton ait terminé. Je me dis que le nombre de perles devait être pair! Entre deux appels, Norton me glisse un petit sachet rempli d’une herbe à la senteur délicieuse. Je me mets aussitôt à la confection d’un beau boulon. Norton me rejoint enfin, et dit:
   -Tu sais ce que l’on va faire?
   -Non, dis-moi!
  -Je vais te conduire dans un endroit où poussent des bambous géants, tu en choisiras un pour en faire un bong, ainsi tu n’auras plus besoin de mélanger de la bonne herbe à du mauvais tabac et comme ça on pourra fumer à deux!
   -C’est quoi un bong?
   -C’est une pipe à eau, le même principe que le narguilé.
   -C’est vrai, je me disais bien que tu ne devais pas aimer le goût du tabac! 
   -Tu devrais arrêter de fumer Eliette, c’est vraiment pas bon pour ta santé!
   -Ouais, je sais! De toute façon, je n’ai même plus de quoi me payer un paquet!
   -Eh, bien, justement, je viens de recevoir un gros chantier et j’ai besoin d’aide, alors, si tu veux, on se le partagera.
   -Mais c’est quoi?
   -Il s’agit de retaper un petit yacht qui se trouve à Marina Del Rey, il faut refaire tous les vernis intérieurs, entre autre. Je suis certain que tu es capable de faire ça, qu’en penses-tu?
   -Waouw, génial! Oui, je pense pouvoir le faire! On commence quand?
   -Demain! Et maintenant on va chercher le bambou, ça te dit?
   -Allons-y!