dimanche 2 janvier 2011

Je me sens vieillir (2)


  Je me sens vieillir. Comme dit Jethro, c’est une dégringolade de palier, cela arrive un jour sans crier gare, on se réveille, on se regarde dans le miroir, on n’a plus la même tronche que la veille, il y a quelque chose de changé, c’est infime, mais c’est là, on se trouve des ressemblances avec sa mère, sa grand-mère. Elles aussi, avaient ces petites rides bordant les lèvres, les joues qui tombaient légèrement à partir du menton, et bien entendu les cheveux qui blanchissent de plus en plus rapidement, c’est irréversible, inexorable; en d’autres termes, je deviens une vieille peau!
 J’étais un beau brin de fille autrefois, enfin pas pour tout le monde, beaucoup me trouvaient trop typée, mais je plaisais aux mâles; j’aimais me faire siffler, je n’étais pas du genre vierge effarouchée, les hommes m’attiraient tout naturellement, j’avais une curiosité saine pour le sexe.
 J’ai perdu mon pucelage à dix sept ans, de façon banale, pendant des vacances à la mer. Un type rencontré dans une boîte de nuit m’a amenée dans une chambre d’hôtel, il m’a prise avec douceur, j’ai eu un peu mal, je suis partie sereine avec le sentiment d’une tâche bien accomplie...
 Je ne sais pas comment ma famille a eu vent de mes agissements, ce fut le scandale, leur fille était une putain, une traînée, maman se lamentait sans cesse: «Pourquoi mon Dieu? Qu’ai-je donc fait pour mériter ça, regarde ta soeur, elle au moins, arrivera vierge au mariage!» Moi, je me taisais, je ne comprenais pas sa rage, mon père intervenait peu et approuvait les paroles de sa femme en prononçant d’un air très fâché, cette phrase incontournable: « Ta mère a raison».