samedi 12 janvier 2013

Nous voilà en route vers...(170)


    Nous voilà en route vers le couvent. Nous, c’est une vingtaine de filles qui ne pipent pas un mot d’anglais, la communication est difficile, je leur souris, elles me sourient aussi. Elles, elles ont l’air de se connaître, discutent d’un bout à l’autre du car. Le mot «couvent» m’évoque tout naturellement le couvent, le mien, celui de Gilberte. Oh, Gilberte, si tu me voyais. Des larmes me montent aux yeux, mais qu’est-ce qu’il m’arrive, pourquoi suis-je encore sur la mauvaise route? Le bus bifurque dans une rue mal éclairée, aux bâtiments sombres. Nous sommes arrivés dans downtown L.A. Nous débarquons devant un bâtiment impressionnant de cinq étages, en brique rouge, de style neo-gothique, entouré d’une pelouse parsemée de quelques arbres. Des fenêtres sont éclairées tout en haut. Deux soeurs nous accueillent, et dénombrent le petit troupeau. Une fois au complet, nous montons les cinq étages par le grand escalier jusqu’au dortoir où les lits sont déjà faits. A côté, dans une autre pièce, une salle d’eau avec douches, puis une buanderie disposant de plusieurs machines à laver et séchoirs. Tout au bout du long couloir, le réfectoire, suivi d’un coin salon avec fauteuils et une télévision. Après nous avoir expliquées les règles de la maison, les deux religieuses nous quittent en nous souhaitant une bonne nuit, ajoutant que demain sera encore une rude journée pour nous, qu’elles nous réveilleront à six heures pour le petit déjeuner qui sera servi avant notre départ. Les filles s’installent aussitôt, s’accaparant les lits proches des fenêtres. Certaines scrutent la rue pendant un bon moment, puis reviennent s'asseoir sur l’un des lits, se parlent à voix basse comme si elles complotaient. Je me déshabille, mets les vêtements que je porte depuis deux jours dans le lave-linge, m’entoure d’un drap de bain prêté par les bonnes soeurs. Je regarde un moment la télé, la chaîne choisie par les soeurs présente une série télévisée, Little house on the prairie, je m’en lasse après un moment, trop doucereux pour mon état d’âme, je somnole quelques temps, puis vais prendre une douche, me laver les tifs; entre-temps, la machine a fini ses cycles, je fourre mes nippes dans le séchoir, retourne au salon où un petit groupe a pris place, l’attention médusée par un téléfilm en  langue espagnole qu’elles ont réussi à dénicher dans le fouillis des nombreuses chaînes. Je décide d’aller pioncer, il n’y a que ça à faire bien que je sois tendue et n’arriverai probablement pas à trouver le sommeil malgré une fatigue extrême.