mercredi 12 septembre 2012

Norton a vendu son camion... (163)


   Norton a vendu son camion et loué une chambre dans un flat à Westwood; il le partage avec un couple israélien. En d’autres termes, il s’embourgeoise! Je suis étonnée par ce changement soudain. Je ne dis rien, après tout c’est son affaire, mais le petit appart tout confort ne me fait pas rêver. Le camion, au moins, ça avait de la gueule! Norton me demande ce que j’ai fait de bon pendant ce temps. Je ne lui parle pas de mes nuits de débauches, je réponds de façon évasive. Il n’est pas dupe, il connaît mes penchants, et me regarde avec son sourire en coin qui lui va si bien. Norton a également changé de travail. Les chantiers, c’est terminé, maintenant il fait de l’acupressure à domicile. Il m’invite à manger ce soir chez lui, l’occasion de visiter son nouveau lieu et rencontrer ses co-locataires. Il passera me prendre vers huit heures. Norton est reparti, des choses urgentes à faire. Toujours cette impression de fuite dès qu’il est avec moi, à moins qu’il soit comme ça avec tout le monde, je ne sais plus que penser bien qu’il ait toujours cette «aura» qui me met dans tous mes états. J’ai beau me dire qu’il n’est pas l’homme de ma vie, c’est par dépit que je me suis jetée dans des bras inconnus, pour l’oublier, mais rien n’y fait. Il pourrait me demander n’importe quoi, je le ferais, comme dans la chanson... Je serai éternellement attirée par des êtres pas très affables! Je pense que c’est à cause de mes parents. Un couple exemplaire, toujours en accord. Je ne me suis jamais posé de question à ce sujet et voilà qu’après des années de vie commune avec Zer, je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout aussi évident de vivre à deux! Bien-sûr Zer est un cas à part. Petit à petit, je sors de mon joli conte pour enfant où tout le monde s’aime et est heureux...Le parcours de mes vieux n’est pas banal. La vie ne leur a pas fait de cadeaux. Papa s’est marié une première fois avant la deuxième guerre mondiale. Sa femme mourut d’une grippe laissant mon père désemparé avec un enfant de trois ans. Il remit ça avec une nouvelle épouse qu’il eut à peine le temps de connaître. Elle fut déportée avec ses parents quelques mois après leurs noces. Ma mère, de son côté était aussi mariée avant la guerre, elle et son époux vécurent ensemble cinq ans dont une année en clandestinité, cachés par un couple de «Justes». Puis dénoncés et déportés à Auschwitz où elle passa plus d’un an; lui fut gazé dès son arrivée. Après la guerre, mes parents qui se connaissaient vaguement d’avant, étant d’un même milieu, se rendirent compte qu’ils avaient survécu à toutes ces horreurs, ce qui ne fut pas le cas de nombres d’autres membres de leurs familles respectives; mon père ayant sauvé sa peau en sautant d’un convoi en compagnie de son frère et quelques autres personnes faisant route vers un camp de la mort. Ma mère fut libérée in extremis à la fin de la guerre. Ils se marièrent et eurent deux filles. Je fus la petite dernière, le fruit d’un «accident». J’imagine qu’un tel bagage ne m’aide pas dans mes relations amoureuses et humaines en général...