mercredi 1 juin 2011

Le réveil est pénible.. (105)

  Le réveil est pénible, courbaturée, la tête lourde, la bouche pâteuse. Je me souviens que nous avons rencontré des gens qui nous trouvaient bien joyeux, il faut dire que l’on pouffait de rire à propos de n’importe quoi. Puis tout a commencé à vaciller, les mouvements se décomposaient au ralenti, se superposant dans des gammes de couleurs diverses, c’était vraiment très beau. Je me rappelle avoir regardé les arbres avec une fascination éperdue, comme si je les voyais pour la première fois de ma vie. J’étais en extase devant tous les chats; il paraît même que je miaulais, je ne m’en souviens pas. Zer se souvient de tout, c’est à se demander s’il a pris l’acide, peut-être qu’il a eu peur au dernier instant. Je ne sais pas combien de temps ça a duré, d’après Zer, nous sommes rentrés aux premières lueurs de l’aube. Finalement, tout s’est bien passé, pas de bad trip.             
 Ce matin, je ne suis pas vaillante, la descente est moins joyeuse. Nausées, angoisses, tous les symptômes dont j’ai tant entendus parler. Après avoir passé la journée à somnoler, à manger, je me sens mieux. Zer revient avec son projet californien, il me supplie de faire le nécessaire; il jette un paquet de fric sur la table, de quoi acheter les billets. Il a renoncé à mettre la maison en location, son frère Yacov passera de temps à autre, voir si tout va bien. Le lendemain, je vais à l’agence de voyage. J’opte pour deux allers simples avec escale à Amsterdam, de là nous irons via Reykjavik à New-York où l’on restera quelques jours avant de continuer jusqu’à L.A. Le départ est prévu dans une semaine, le temps de tout préparer et faire les adieux. En rentrant à la maison, j’appelle mes vieux pour les informer de notre départ et aussi pour leur demander les numéros de téléphone de la famille aux states. Le lendemain, je vais chez Gilberte, j’ai besoin de me confier, ce n’est pas tant que j’appréhende le changement, je n’ai pas d’opinion, je me suis laissé entraîner dans l’aventure sans me demander si j’en avais envie, maintenant, il est trop tard pour faire marche arrière. Et puis après sept années passées ici, je commence à m’encroûter! J’arrive au couvent, trouve Gilberte en train de bêcher dans un des potagers, en me voyant elle dit:
   -Salut bonhomme! Quel bon vent t’amène?
   -J’ai une nouvelle à t’annoncer!
   -Une bonne j’espère!
   -Ni bonne, ni mauvaise, Zer et moi, on se tire en Californie pour un temps indéfini.
   -C’est quoi cette histoire! Qu’est-ce qu'il vous prend?
  J’explique à Gil les tenants et aboutissants, qu’au fond, j’en n’ai rien à cirer, mais que ce n’est peut-être pas une si mauvaise décision, qu’après tout, traîner ici ou ailleurs, et puis ce sont les rencontres qui comptent, elles seront les mêmes où que j’aille, dis-je sur un ton désabusé. J’ajoute, que bien-sûr, elle va me manquer, que j’écrirai, c’est promis juré. Gil me raccompagne jusqu’au portail, on s’embrasse encore, je la quitte le coeur lourd. Je me retourne plusieurs fois pour la saluer...