Je me promène désoeuvrée; je me sens très seule, pense avec nostalgie à Gilberte et à la paix du couvent, puis, avec moins d’émotion, je pense à Zer. Que fait-il en ce moment, et lui, a-t-il une pensée pour moi... Je me sens lasse, décide d’aller me coucher bien qu’il soit encore très tôt; je me dis qu’il vaut mieux se détendre que de traîner sans but dans la rue. Il faut que je m’habitue à l’étroitesse de la cahute. J’étouffe, ouvre les battants de la petite porte, m’assois à l’entrée, un peu cachée pour ne pas attirer l’attention; des rafiots vont et viennent provoquant un roulis qui me berce, je finis par m'assoupir. Je me réveille, il fait nuit, sur le quai un petit groupe d’hommes s’est arrêté, ils discutent bruyamment, quand soudain l’un d’eux sort de sa poche un objet qui brille dans la pénombre...
Je me fais discrète et retourne me coucher, je replonge aussitôt dans le sommeil.
La chaleur me réveille. Les lattes disjointes de la cabine zèbrent mon corps de lumière. J’ouvre le portillon. L’air est saturé d’effluves de goudron et de relents de poisson pourri. Je ramasse mes affaires, mets la clef dans la cachette, me dirige vers La Canebière à la recherche d’un bistrot. Le besoin de vider ma vessie est devenue entre-temps si pressante que j’entre dans le premier endroit venu et file dare-dare aux toilettes. J’avais oublié que les w.c. dans ce pays étaient ces infâmes trous si peu pratiques pour les femmes... Je m’installe à la terrasse; d’après mes recherches, le consulat doit se trouver dans les parages. Le garçon confirme, c’est bien en face, la rue Paradis, il suffit de traverser.